13
6.7
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Album de Black Sabbath (2013)

13 de Black Sabbath, ou le problème du "retour aux sources"

J'ai tout le temps écouté les albums d'un groupe par ordre chronologique. Vous savez, il n'y a rien de mieux pour voir l'évolution d'un groupe par rapport à son temps, et comment l'inclusion de nouveaux membres change sa création artistique. C'est donc dans cette optique que je me suis enfilé les 19 albums de Black Sabbath par ordre, mais le plus intéressant est clairement les périodes Ozzy, puis Dio. J'ai toujours adoré la période "progressive" de Sabbath de Sabbath Bloody Sabbath (1973) à Never Say Die (1978), principalement parce que le groupe ne restait jamais sur ses acquis, cherchait de nouvelles sonorités, ne voulait pas devenir la caricature du heavy metal qu'il avait influencé. Cela peut se remarquer dans des titres comme Symptom of the Universe, où le groupe, après avoir entamé une première partie résolument trash, fait un retournement à 360° pour atterrir sur le terrain... du jazz. C'est ce mélange soudain de ces genres qui m'a toujours fait adorer cette période-là de Black Sabbath, bien plus que les deux premiers albums du groupe, Black Sabbath (1970) et Paranoid (1971).
Or, en 2009, sort le premier (et le seul) album du groupe Heaven and Hell. Appelons un chat un chat : c'est le Black Sabbath de 1981 (Iommi, Dio, Butler, Appice) sans le copyright du nom, mais ce qu'on remarque ici est que les titres sont puissamment metal, tout en ayant fortement évolué depuis le dernier album avec Dio, Dehumanizer, en 1992. Au delà de cette intro un peu longue, ce que j'aimerais montrer, c'est que Black Sabbath n'est jamais resté immobile dans sa création, et qu'un retour en arrière, "aux sources" comme on dit, est pour moi plus préjudiciable que bénéfique.
C'est ce qui motive mon 6/10 pour 13. Parce que, si vous voulez mon avis, si vous voulez découvrir cet album, écoutez leur premier, celui de 1970; il n'y a presque rien de nouveau.Vous me dites Loner ? Je vous réponds que N.I.B a le même feeling, son côté innovateur en plus. God is Dead ? Un doom comme Sabbath en faisait déjà dès le titre homonyme. Même chose pour End of the Beginning, par ailleurs. Zeitgeist ? Une suite un peu moins mémorable que l'intemporel Planet Caravan de Paranoid. Et encore, ces titres sont les plus intéressants de l'album, puisque le reste, comme Age of Reason ou Dear Father, sont des titres génériques que le groupe n'aurait probablement pas osé placer dans un album comme Sabotage.
Du coup, ma critique ne portera pas sur le fait que les membres du groupe ont vieilli. C'est un fait, cela faisait 35 ans que le groupe avec Ozzy (mais sans Bill Ward pour l'album, hélas) ne s'était regroupé pour un album, bien que les retours du line-up original étaient nombreux. Dire que la voix d'Ozzy a vieilli n'a rien de surprenant, même si les riffs de Iommi restent quasi-intemporels et ne semblent pas se rider avec celui qui les joue. La critique se joue plutôt du côté de l'originalité. Ce que j'ai entendu dans 13, ce n'est pas un groupe qui annonce publiquement son grand départ par un dernier album studio et un dernier cadeau pour ses fans, mais plutôt les lamentations d'un groupe composé de membres qui ont changé mais qui se renferment dans les souvenirs de 1970. Hole in the Sky, Dirty Women, puis Heaven and Hell pour les autres membres de Sabbath ainsi que toute la carrière d'Ozzy depuis 1980, rien de tout cela ne les a fait sortir de leur prison de noir vêtue, symbole des années où Black Sabbath (le titre) faisait frissonner les vieilles puritaines et où War Pigs n'était encore qu'une ébauche. Or, chaque membre a beaucoup de bouteille derrière lui (sans faire de calembour osé, ce n'est pas mon genre), a essayé d'autres genres, d'autres sonorités, a évolué. J'aurais attendu de 13 qu'il soit la synthèse de tout ce que Sabbath a su faire sans sa carrière : évoluer son style pour toujours surprendre, effrayer la populace, émerveiller par des intermèdes comme celui de Die Young, et bien d'autres choses. Ce n'est pas ce que j'ai entendu ici. On reste sur les acquis avec lesquels on a su vendre, et puis voici l'album plié, emballé, tout prêt tout chaud; pourtant, le sentiment avec lequel je l'apprécie est aussi froid que du marbre, car il faut dire que les titres ne sont pas frais. Comprenons-nous, je ne dis pas que l'album est totalement mauvais, car End of the Beginning et God is Dead ? sont vraiment pas mal du tout ... Mais pour un groupe qui était au pic du lourd dans les années 70 et qui a pu, dans Heaven and Hell quatre ans plus tôt, faire plus lourd qu'ils n'avaient jamais pu, c'est un peu un retour aux sources qui n'a fait qu'un album-redite. Comment autrement comprendre la fin de Dear Father, où les cloches sonnant à la fin de la chanson sont celles du début du premier titre de leur premier album, Black Sabbath ? C'est que, en fermant la dernière page d'un des plus grands groupes de heavy metal,ce dernier s'est condamné à rouvrir la première.

Créée

le 26 déc. 2019

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