L'arbre qui cache la forêt

     C’est parti pour le show. Voilà la sensation de 2008. Le symptomatique 19, de la jeune Adele, qui était promise à un bel avenir, c’était écrit. Succès. Personnellement, l’album 21 m’a laissé déçu. Je le trouve  mauvais et putassier. Celui-là, a la grâce du débutant, mais ça, c’est avant qu’on rentre dedans. La beauté d’une ballade guitare-voix. Pourquoi pas. Une de ces voix anglaises, puissantes, et cassées à la fois. Une voix soul dans l’âme, riche et mature, pour une chanteuse aussi jeune. La surprise que l’on n’attendait pas. Best For The Last. La contrebasse(?) remplace la guitare. La demoiselle qui semble avoir du métier pour une débutante. Et quand sa voix casse, quand elle s’écrase dans les aigües, c’est vrai que ça le fait. Chasing Pavements. Voilà enfin les choses sérieuses. Avant c’était l’échauffement.

   Voilà la ballade qui a fait chavirer tous les cœurs, tourner toutes les têtes, et fait d’Adele la sensation de l’année. Magnifique. Sa voix est parfaite dessus.  Un je-ne-sais-quoi de nostalgique, l’assurance de l’artiste en pleine possession de ses moyens, un refus de s’abandonner au blues, quoique le spleen n’est pas loin. Les arrangements, on jurerait qu’on les a piqués sur un vieux tube des seventies. Bon, les « violons » je ne les trouve pas super extra, trop « collés » dans le décor, mais on ne va pas chipoter pour si peu.

   Cold Shoulder. La pop rythmée pour bouger. La diva est à l’aise. Mais là encore, y a les arrangements qui me posent problème. Je les trouve curieusement à coté. Des cordes trop synthétiques, qui font très cheap. Et la batterie présente, voire trop envahissante. Crazy For You. Répétition. Guitare électrique-voix. On a compris qu’elle a une belle voix. La compo par contre, elle est bof. Melt My Heart To Stone. Et ça a tendance à storyteller un max, quand elle ne chante plus, ça cause. Comme tout bon raconteur d’histoire de la génération Hip Hop, c’est sur de la variété qu’on s’épanche. Des fois, ça le fait, puis, ça ne le fait plus. Et cette voix surpuissante, craquante dans les aigües, redevient presque normale quand elle redescend sur terre. Et encore une compo pas à la hauteur, le défaut des belles voix. Si la chanson n’est pas à la hauteur, ça s’entend tout de suite. Son registre n’est pas exploité dans les meilleures conditions.  Est-il réellement à l’aise, dans le carcan très contraignant de la musique pop. On lui donne une ritournelle, ça tourne, puis elle lâche les chevaux. Ensuite on en revient à la ritournelle. Au bout d’un moment, on a compris. Ça manque du petit truc en plus, qui magnifie plus.

   Right As Rain. Le tube pop, ça lui colle à la voix. Sa voix accroche facile. On sent un héritage soul lointain, jazzy peut-être. Malheureusement, un morceau comme Make You Feel My Love, je vais l’oublier vite. Ou alors, elle n’est pas encore assez bonne, tout simplement. Aller tout le temps en force comme ça, ça peut faire du mal à la mélodie. Moins de puissance, plus de finesse, plus de contrôle.  Comme elle y va à donf, les morceaux finissent par tous se ressembler. Comme ils ne sont pas extraordinaires à la base, ça craint. L’arrangeur compte sur sa subjuguante facilité vocale, et oublie le reste, la musique devient décoration, marchepied, secondaire, second plan. Avec un potentiel pareil, Adele se retrouve bloquée entre la variété, la  pop, et la soul revival. Va-t’elle faire les bons choix ? Rien n’est moins sûr.  Album de fin d’études d’une sur-doué. Et  malheureusement, ça sonne de plus en plus RnB, pour variété banale, à la mode radio FM. Ça devait arriver. Tired On Hometown Glory. En mode confession, ultra convenue. Elle vaut mieux que ça. Ballade tire larmes avec violons en plastique.

  Je reviens de loin. Je suivais régulièrement le live quotidien sur une célèbre chaîne cryptée, et la seule voix que j’avais accrochée, c’était celle d’Adele. 2008. Le meilleur morceau, c’était Chasing Pavement. Mais…

  Chasing Pavements, c’était le bijou (avec crapauds) qui cachait la forêt. Globalement déçu. Je m’attendais à beaucoup plus fort que ça. Comme quoi, le talent ne fait pas tout. Et le succès est au rendez-vous. Tant mieux pour elle. Le succès  n’arrangera rien à l’affaire. Le deuxième album sera  encore pire.