Eclats, Dans la Pierre de Lune Taillés
L’humilité d’un arpège de guitare discret derrière la voix claire, Alela Diane revient aux légères envolées d’un folk nu : Colorado Blue oscille entre comptine et complainte, chant de nostalgie toujours. Alela nous conte ses histoires au passé, égraine des souvenirs. Laisse derrière elle ce qu’elle ne vivra plus, et revient au cœur de ce qu’elle est. Simplement.
« I didn’t know it was the last time », The Way We Fall a la pureté d’une chanson folk pleinement aboutie. L’orchestration, magique, est toujours aérienne. La voix s’envole, s’apaise, se dédouble en écho. Alela Diane reprend ses incantations et c’est beau ! Ça scintille, ça brille, ça pétille de notes célestes. La voix haute nous élèvent à peine, au ras du sol, puis nous repose délicatement, berceuse de tendres vocalises. Petit bonus, la version acoustique permet de se rendre compte du travail d’orfèvrerie apposé sur le bijou brut qu’est cette chanson. La désillusion reprend le dessus sans gravité : « Honey there’s nothing i can do to save you from yourself ». La tristesse est plaisante d’une nouvelle berceuse mélancolique. C’est doux, comme d’habitude. C’est beau, comme toujours. Alela a l’art minutieux, patient et précis.
Les références réapparaissent. Leonard Cohen, à qui l’on pense dès l’arpège de I Thought I Knew, dans la ligne de chant aussi, et dans l’orchestration. Vers qui l’on revient avec Hazel Street et The King, complaintes de désillusions. Devendra Banhart et son Niño Rojo, dans le dénuement et l’accent mystique qui s’étendent sur le disque, et qui étaient la force de The Pirate’s Gospel, particulièrement dans les arpèges folk aux sources communes évidentes, mais encore dans l’utilisation intimiste et acoustique d’une orchestration faite de discrètes participations derrière la voix si particulière d’Alela : les cordes, le piano, les flûtes. Toujours en retrait, ainsi la voix est libre. Le tout ciselé au millimètre par la concision de l’artiste.
Black Sheep est l’occasion d’apprécier les rugosités d’Alela : de l’arpège et de la voix ! C’est un folk de caractère parfaitement construit, et dont le rythme prend du relief, ici sur une phrase a capella, là au retour d’une basse lourde, étouffée. Engagé dans le constat, « most of the time, i’m on the line », le morceau prend des envols de transe avec le chant crié de sauvages incantations indiennes. C’est le retour en grâce de la chanteuse folk with a soul : une splendide ballade à l’orchestration modeste où la voix d’Alela se promène librement.
L’arpège terrestre et aérien, la musique humble, les compositions à l’ampleur toujours mesurée, soulignent de bout en bout les gracieuses envolées lyriques d’Alela Diane, qui tour à tour étire sa complainte, la déploie et l’envole jusqu’à ce cristallin solide dont elle a le secret.
Magnifique, Alela Diane nous laisse encore une fois dans le ciel, où scintillent les étoiles d’une nuit claire, chaude et pleine de promesses. Au plus près du firmament.
Matthieu Marsan-Bacheré