Coming Apart de Body/Head, c’est moins un album qu’une atmosphère, un lieu mental étrange et flottant dans lequel on entre sans trop savoir si l’on va y rester, s’y perdre, ou y revenir. Kim Gordon et Bill Nace ne cherchent pas à composer des morceaux à proprement parler, mais à sculpter une ambiance, à faire résonner le silence autant que le bruit.
Avec une note de 7.5/10, je reconnais à cette œuvre une force indéniable, surtout dans la manière dont elle crée un climat sonore très singulier, entre tension sourde et abandon progressif. Si tout ne m’a pas totalement embarqué, l’identité de l’album est marquante et cohérente.
Dès les premières secondes, Coming Apart enveloppe l’auditeur dans une brume épaisse de guitares distordues, de voix fantomatiques, de boucles sonores lentes et abrasives. L’ambiance est à la fois oppressante et méditative, comme si l’on était enfermé dans une pièce sans fenêtres, mais où chaque vibration devient palpable.
Il n’y a ici ni couplet ni refrain, ni ligne directrice évidente. Mais c’est justement dans cette non-linéarité que l’album trouve son langage : celui de l’errance, du flottement. On est dans une forme de rituel électrique, un espace sonore où l’introspection se mêle au malaise.
Ce que je trouve fort dans Coming Apart, c’est sa capacité à traduire des états émotionnels diffus — l’angoisse, la solitude, une forme de libération amère — sans les nommer frontalement. L’ambiance prime sur la narration, et tout l’album fonctionne presque comme une bande-son intérieure. Parfois, cela frôle l’hypnose. Parfois, l’ennui ou l’agacement guette, tant certains passages s’étirent jusqu’à l’épuisement. Mais ce flou fait partie de l’expérience.
Ce n’est pas toujours facile à écouter, ni toujours captivant sur la durée. Mais il y a là quelque chose d’authentique, de profondément sensoriel, qui mérite l’attention.
On peut aussi lire Coming Apart comme un reflet sonore d’un bouleversement personnel, celui de Kim Gordon après sa séparation. L’ambiance générale du disque semble traduire un monde intérieur qui s’effondre, mais qui cherche, dans le chaos, un nouveau point d’équilibre. Il y a de la douleur, certes, mais aussi une forme de renaissance dans cette désorientation.
Ce n’est pas un album que l’on écoute pour ses morceaux, mais pour l’ambiance qu’il installe. Une ambiance dense, dérangeante, intime, qui ne cherche pas à séduire mais à être sincère. Coming Apart m’a parfois tenu à distance, mais il m’a aussi offert des moments de réelle immersion. Un disque qui impose son climat, même s’il ne se laisse pas totalement apprivoiser.