"I hear the rain, I hear the rain, I hear the rain, got to kill the pain."
Bon, voilà, je suis dans ma période "Hallowed Ground", alors, après une énième écoute de ma part, je me décide à en parler un peu.
Hallowed Ground est le deuxième album des Violent Femmes. L'éponyme qui le précède est du folk-punk carré et tout à fait sympathique. Le suivant est un album de New Wave un peu léger. Il y a aussi "Why Do Birds Sing ?" qui renoue avec le folk-punk de leur premier album d'une assez belle manière. Je ne connais pas leurs autres albums, mais déjà, je peux faire un constat : rien ne permettait d'anticiper la venue d'Hallowed Ground. Il s'agit là d'un OVNI dans la discographie du groupe, un album à part, sans équivalent, une bizarrerie sortie de nulle part.
Ça commence par un petit rythme country, tout ce qu'il y a de plus basique, vous savez, deux notes à la Johnny Cash, "do, sol, do, sol, do sol la si do", que la basse joue en boucle. "Country Death Song" aurait presque pu être un morceau de country classique. Sauf que, par dessus, il y a la voix pincée de Gordon Gano. C'est simple, sa prestation est telle qu'on croirait à un morceau hanté, maudit, par sa simple présence. Et c'est ainsi tout l'album, même sur les morceaux les plus légers.
Ceci dit, le chant ne fait pas tout, et il est soutenu par une partie instrumentale tout aussi étonnante, intrigante, et, au final, réussie. Tout d'abord, il faut préciser que les morceaux sont magnifiquement composés, explorant de nombreux registres, alternant entre temps morts et fulgurances avec brio. Mais ce n'est pas ça qui étonne.
En écoutant "Violent Femmes" où "Why Do Birds Sing ?", on a affaire à des morceaux bien exécutés, efficaces, mais au fond assez classique. "Hallowed Ground", lui, me fait l'effet d'un infirme. D'un vétéran de guerre à la jambe de bois. La comparaison peut paraître étrange, mais je lui trouve quelque chose de claudiquant, avec des rythmes en faux-semblant, mais qui avance malgré tout, de manière déterminé. Un peu l'équivalent country de The Fall, en fait. C'est noir, c'est grinçant, c'est de la country tordue, du blues déformé, passé à travers le prisme grimaçant du punk.
La production va également dans ce sens : le son est sec, cassant, sans rondeur, sans le côté aimable des albums bien produits. On a l'impression que le groupe était perdu au milieu du désert, écrasé par la chaleur, lorsqu'il a enregistré cet album.
"Hallowed Ground" est un objet étrange, limite occulte, fait de chemins de traverse et de routes accidentées. Ce n'est peut-être pas le plus confortable, d'accord, mais avouez que ça a infiniment plus de charme, de classe, de valeur, que les routes bien lisses, bien dégagées, bien vides.