Certains albums ne cherchent pas à en mettre plein la vue. Ils murmurent là où d’autres crient, prennent le chemin de traverse plutôt que l’autoroute du tube efficace. Moon Tides, premier opus de Pure Bathing Culture, s’inscrit parfaitement dans cette démarche. À mi-chemin entre rêve éveillé et confidence murmurée, il déploie un univers doux-amer, guidé par une atmosphère aérienne et des paroles à la fois énigmatiques et poétiques.
Dès les premières secondes de "Pendulum", on comprend que cet album nous invite à ralentir. Synthés brumeux, guitares liquides, batterie discrète : le décor est planté. La voix de Sarah Versprille, presque fantomatique, glisse avec délicatesse sur les compositions, sans jamais les dominer. Mais derrière cette légèreté de surface se cache une vraie richesse textuelle, souvent passée inaperçue.
Les paroles, souvent oniriques, jouent sur l’imaginaire, les symboles naturels et les sentiments flous. Dans "Scotty", par exemple, on entend “Love’s like the ocean, so deep and so wide” — une image simple, mais qui touche par sa sincérité. L’album parle d’amour, de perte, de spiritualité diffuse, sans jamais tomber dans le bavardage explicatif. Il préfère suggérer que dire, évoquer que raconter.
Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est la manière dont les paroles se fondent dans la musique, comme si elles en étaient une extension organique. Les mots ne cherchent pas à s’imposer, mais à accompagner le mouvement des vagues sonores. Cette fusion crée un sentiment d’unité, de cohérence intime entre le fond et la forme.
Dans "Ivory Coast", par exemple, le refrain répète “You can’t fight the feeling” sur des accords suspendus, comme une boucle intérieure, un mantra. Il y a quelque chose de l’ordre du rituel dans cette manière d’écrire et de chanter, qui confère à l’album une dimension presque spirituelle, sans jamais être pompeuse.
Toutefois, cette homogénéité a ses limites. À force de flotter dans une mer calme, on en vient parfois à souhaiter une vague plus haute, une variation plus marquée. L’album, bien que très agréable, souffre d’un certain manque de contrastes : les morceaux, pris séparément, peinent à se distinguer clairement les uns des autres. Ce qui est une force en termes d’ambiance peut devenir une faiblesse sur la durée.
Cela dit, il serait injuste de reprocher à Moon Tides de ne pas être ce qu’il ne prétend pas être. Il n’ambitionne pas de surprendre à chaque tournant, mais de créer un espace dans lequel l’auditeur peut s’abandonner — et en cela, il réussit pleinement.
Ma note de 7/10 traduit un ressenti équilibré : j’ai été touché par l’élégance discrète de l’album, sa sensibilité palpable, son univers cohérent. J’ai aussi ressenti une légère frustration face à une certaine uniformité qui empêche parfois les morceaux de vraiment décoller.
Mais Moon Tides reste une œuvre sincère, portée par des textes évocateurs et une ambiance soignée. C’est un disque qui ne se livre pas tout de suite, mais qui récompense les écoutes attentives. Une invitation à la rêverie, à la contemplation, et à la douceur — ce qui, dans un monde bruyant, est déjà une forme de résistance.