Studio Genetic Sound. 1981. Martyn Ware à Ian Craig Marsh :
« T'as vu comme il se la pète à côté, Phil, avec ses deux p... ?
-N'empêche que ça reste en tête leur refrain « Don't You Eeever Want Me », ça risque fort de marcher.
-Nous aussi ça va marcher ! On s'est fait discrètement la main sur « Music For Stowaways » et « Music For Listening To » sous le nom de B.E.F, il est temps maintenant de travailler sur notre premier single en tant qu'Heaven 17.
-Des idées ?
-Oui. On va reprendre une des nos instrus « Groove Thang ». Je pense que ça peut faire un tube.
-Et si on faisait chanter notre pote Glenn dessus ?
-Ah non les mecs ! Je suis photographe moi, à la base!
-Et alors ! C'est pas comme si Phil était chanteur ! »


“(We Don’t Need This) Fascist Groove Thang”, premier tube d'Heaven 17 (référence à « Orange Mécanique) est sorti en Mars 1981. Il était parti pour faire un tube mais fût interdit sur la BBC car trop critique envers les leaders politiques de l'époque ; Ronald Reagan et Margaret Thatcher. C'est néanmoins un excellent morceau, aux sons de bass et de grattes typiquement funky, à l'ambiance presque intime des couplets pourtant porté par un rythme de 160bpm jusqu'à cet hymne entêtant au refrain, que l'on pourrait encore reprendre en chœur aujourd'hui.


Le duo de Ware et Warsh n'ont rien perdu de leur goût pour l'expérimentation ; parfois le beat s'affole, se transforme, un drôle d'hit-hat Kraftwerkien chantonne durant les quatre minutes et même quelques notes de saxo sont jouées en boucle à la fin. Contrairement à ce que produira « Human League » sans eux, les instrumentaux sont superbement travaillés, ciselés et sont intéressants à écouter, pouvant facilement se suffire à eux-mêmes. Mais ne lésinons pas sur la voix du chanteur Glenn Gregory, qui fait humblement son travail, en bon remplaçant de Phil Oakley.


Le deuxième single « I'm Your Money » (qui ne sera pas retenu sur l'album) est d'une veine synthpop beaucoup plus classique, avec ce titre sur le refrain chanté comme un air communiste (« Pet Shop Boys » s'inspireront sans doute d'eux pour leur futur « Go West »). Il est intéressant de parler d'ailleurs de l'imaginaire développé sur ce premier album « Penthouse and Pavement », qui est une petite crotte de nez envoyé au capitalisme et aux ennemis de François Hollande, le monde financier. La pochette pue la caricature du système bureaucratique, ressemblant à une affiche de propagande pour les Témoins de Jéhovah. Le groupe se moque aussi d'eux-même puisque la « B.E.F », nom donné à cette pastiche d'entreprise, est surtout le nom de leur propre label.


Dans le clip de leur quatrième single éponyme, nous pouvons d'ailleurs observer la vie au sein de cette entreprise, entre affaire d'espionnage industriel et difficulté relationnel. Ça sera « Play To Win » qui montera le plus haut dans les charts, atteignant la 46ème place en Angleterre. De ces quatre singles, la bande impose d'emblée sa propre patte, privilégiant l'électro-funk de ce début de décennie post-disco à la Synthpop'N'Gum proposée par Phil Oakley, patte que l'on retrouvera tout le long de leurs meilleures années.


Les six autres morceaux de « Penthouse and Pavement» sont donc dans la même veine, parfois en-dessous (« Soul Warfare » semble reprendre la même bass que « Fascist Groove Than » sur un rythme plus lent, le minimaliste « Geisha Boys and Temple Girls » que beaucoup semblent appréciés mais que je trouve assez dépassé et surfait dans son instrumentation ou encore « We're Going to Live for a Very Long Time », trop vide et simpliste, pas assez travaillé), parfois de même niveau (le toujours aussi ironique « Let's All Make a Bomb », « Song With No Name » qui tient sur une magnifique boucle mélodique composée de plusieurs synthés ou « The Height of the Fighting » qui rend joyeux l'art de faire la guerre), la qualité mélodique y jouant beaucoup.


Si les singles ne rencontrèrent pas un grand succès, l'album reste une réussite critique et se vend plutôt bien, ce qui encouragera les trois compères à réitérer l'année suivante. Avec « Penthouse and Pavement », ils se démarquent d'Human League tout en conservant leur goût pour des instrumentaux plus expérimentaux et avant-gardistes, ainsi qu'une certaine maîtrise de la Synthpop. A mettre dans les oreilles de tout les amateurs du genre car il s'agit sans doute d'un album important, peut-être même de leur meilleur.


Strangears - Le blog qui réévalue le mauvais goût musical

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le 10 mars 2016

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