ALGORITHME
6.6
ALGORITHME

Mixtape Street de TH (2025)

« C’est plus l'destin qui fait les choses, c’est l’algorithme »

Avec Algorithme, TH signe un disque profondément imprégné par la logique du capitalisme tardif : un monde saturé de surveillance, de reconfiguration numérique du lien social, de désirs gérés par les plateformes. L’algorithme n’est pas ici une métaphore, c’est la forme même du monde, une entité abstraite qui dicte les gestes, les relations, les affects, et contre laquelle TH tente de résister.


Refus de l’ordre judiciaire, de l’histoire coloniale falsifiée, de l’identité administrative, des formes instituées de l’amour... TH ne propose pas de rupture organisée, mais une parole d’en bas, conflictuelle, marquée, qui refuse d’oublier, de se taire ou de s’intégrer.


La critique de la technologie est très présente, souvent incisive. L'algorithme remplace le destin, le lien affectif est médié par Snapchat, le contrôle est permanent, les corps eux-mêmes sont câblés, perfusés, machinés.


C’est un désespoir lucide, où la technologie est à la fois outil de dépossession et symptôme de l’époque. TH ne fantasme pas un retour en arrière, mais montre comment le lien, le souvenir, l'amour et même le langage sont pris dans des circuits de surveillance et d’exposition.

Parler, apparaître, dire "je t'aime" ou "je suis là", c’est déjà se soumettre à des filtres, des feeds, des datas. À la manière de ce que Foucault analysait comme la "société disciplinaire", TH montre comment le contrôle s’exerce moins par la contrainte que par l’exposition, la normalisation, l’intériorisation du regard. L'algorithme remplace le gardien, l’interface remplace la loi, et le sujet finit par s'auto-surveiller dans le langage même.


Mais ce qui plombe l’album et qu’on ne peut pas passer sous silence, c’est la misogynie profondément ancrée dans sa structure narrative et affective. Les femmes y sont infantilisées, méprisées, effacées, fétichisées ou utilisées comme repoussoirs.


Même dans les morceaux les plus "tendres", l’altérité féminine n’est jamais reconnue comme sujet, seulement comme enjeu masculin de contrôle, de fuite ou de consommation. Cette haine douce, sourde, répétée, n’est jamais interrogée, jamais problématisée, jamais retournée, elle est présentée comme allant de soi, et c'est cela qui la rend particulièrement répugnante. C’est cette tension entre lucidité sociale et aveuglement sexiste, entre critique du techno-capitalisme et virilisme assumé qui rend Algorithme à la fois précieux et politiquement problématique.

WuMing9
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le 18 avr. 2025

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