Avec Ambient 3: Day of Radiance, Brian Eno signe en 1980 le troisième volet de sa série fondatrice, tout en s'effaçant partiellement de l'équation. Ici, le compositeur principal est Laraaji, musicien new-yorkais alors encore méconnu, que Eno découvre en jouant de la cithare dans un parc. Le disque, produit par Eno, n’en est pas moins profondément inscrit dans sa vision : celle d’une musique qui n’accompagne pas seulement l’espace, mais qui le transforme subtilement, de l’intérieur.
À la différence des volumes 1 et 2, Day of Radiance n’est pas une nappe éthérée suspendue dans l’air ; c’est une vibration. Les sons de cithare, de dulcimer électrique et d’effets électroniques sont ici modulés, superposés, filtrés jusqu’à devenir des particules de lumière en mouvement. Le titre de l’album est à prendre au mot : c’est bien une journée de radiance, un bain solaire, presque mystique, que l’on traverse à l’écoute.
La première face du disque — les trois "Dance" — est surprenante pour qui s’attend à une ambient immobile. Rythmiques claires, quasi tribales par moments, motifs répétés qui s’entrechoquent et s’enlacent : il y a du mouvement ici, une pulsation douce mais insistante, comme un cœur qui médite. La cithare, habituellement associée à des sphères méditatives, prend ici une dimension rythmique inattendue, propulsée par une reverb généreuse et des échos savamment dosés. Ce n’est pas un groove, mais une marche solaire, un déplacement intérieur.
La deuxième face — les deux "Meditation" — renoue davantage avec l’épure des autres volets de la série. Les cordes sont étirées jusqu’à la transparence, les attaques sont presque gommées, et le temps s’allonge, se déploie comme une respiration lente. On est proche ici de l’ataraxie : l’auditeur est invité non plus à suivre une progression, mais à s’installer dans un état. Une sorte de contemplation sans objet, sans tension, où la musique devient presque silence.
Ce qui rend Day of Radiance si singulier dans la tétralogie ambient d’Eno, c’est justement cet équilibre entre structure et abandon, entre le martèlement lumineux de la face A et la dissolution paisible de la face B. C’est un disque solaire, mais pas naïf. Lumineux, mais pas aveuglant. Spirituel, mais jamais démonstratif.
C’est aussi, peut-être, le disque le plus charnel de la série : on y sent les doigts sur les cordes, le bois qui résonne, les gestes répétés. Une musique de présence, au sens fort du terme.
Si Ambient 1 définissait un espace, Ambient 3 évoque une énergie — une sorte d’éveil tranquille. C’est un disque rare : à la fois enraciné et aérien, vibrant et apaisant, humble et radical. Il ne cherche pas à en mettre plein les oreilles. Il fait mieux : il éclaire doucement ce qui, en nous, cherchait déjà la lumière.