Âme Fifties
6.8
Âme Fifties

Album de Alain Souchon (2019)

Pourquoi ne pas se rasseoir sur le trottoir d'à côté ?

Il y a une tendance à laisser penser que Souchon fait partie du patrimoine. En cela, on peut avoir le sentiment que sa personne se trouve comme nimbée d'une indéfectible bienveillance médiatique, celle d'un certain journalisme consensuel, de ma grand-mère, de ma mère, de ma femme, et même, de ma fille. J'aime moi aussi beaucoup Souchon. Mais je suis presque désolé du statut qu'on lui fait endosser, qu'il a l'air d'apprécier, avec lequel il semble vouloir se complaire. J'aime moi aussi son espièglerie, son enfance facétieuse, sa nostalgie amusée qui me changent des dégoulinantes rimes en "é" pour dire les drames oedipiens et l'insupportable unilatéralité des rapports de force, avec de la grossièreté, de l'onomatopée, de la crudité, formes rappeuses, ou même, sans aller jusque là, en se gardant des préjugés, formes outrancières d'une variété sans touche, sans tact, sans lexique, souvent creuse et absconse, et qui, sûrement, n'est que la forme complexée d'un autre maniérisme qui ne dit pas son nom, une signature tendance, c'est à dire vouée à se démoder rapidement. J'aime ce Souchon qui a toujours le regard de celui qui a quinze ans, mélancolique, mais pas trop, sans sombrer dans les affres chichiteuses de la dépression post-ado, avec une distance élégante et rieuse, sans tragique, sans sérieux. Mais là, malgré tout, j'ai quand même l'impression qu'en plus de l'âme, dans laquelle baignent ses titres, bain d'esprit suranné, bain d'atmosphère d'antan, c'est toute l'inspiration, et l'eau du bain avec, qui a régressé aux fifties. Le ronronnement des mélodies n'a d'égal que le confort ouaté des textes, lesquels paraissent avoir été plagiés de ses albums précédents, depuis, au moins, "Au ras des pâquerettes". Je n'ai rien contre Souchon. Ni contre ma grand-mère. Je dois reconnaître pourtant que l'album véhicule comme le goût rance d'une vieille biscotte d'arrière-cuisine. Ce n'est pas désagréable. Mais c'est peut-être le signe que les matins sont un peu fatigués et qu'il est temps d'oser se rasseoir sur le trottoir d'à côté.

Loëm
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le 1 nov. 2019

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