Un Virage Au Calme

L’année 2015 à surement été l’année la plus longue pour les fans de Rihanna ! Une attente interminable qui dure janvier 2014, le mois où elle a commencé l’enregistrement de son huitième album. Plus d’un an après, ce dernier voit enfin le jour !

Le 25 janvier 2015, Rihanna sort le single "FourFiveSeconds", et crée la surprise en étant accompagnée de Kanye West et surtout de l’ancien Beatles, Paul McCartney. Elle surprend alors par un style country. On sait que la jolie chanteuse de 27 ans aime expérimenter différents genres musicaux, mais celui là est une première. Puis arrive le second titre, "Bitch Better Have My Money" le 26 mars 2015, qui lui, revient plus sur un genre qu’on lui connait mieux, un mélange de hip-hop et de trap.

Dans un premier temps, le public est moins conquis, ce qui se se ressent au niveau des chiffres. Un peu plus de 70 millions de vues sur Youtube contre plus de trois cent millions pour "FourFiveSeconds". En dernier lieu, on découvrait le titre "American Oxygen" le 14 avril dernier. Depuis plus rien. Plusieurs rumeurs ont commencé à circuler face à l’attente qui s’est fait de plus en plus longue. Entre un album repoussé, un album annulé, un album jeté à la poubelle ou encore un album entièrement retravaillé, il a bien fallu que Riri calme l’impatience gagné par ses fans en postant quelques séquences d’enregistrement de son travail durant l’année dernière via son compte Instagram. Annoncé à plusieurs reprises pour l’année 2015, c’est le 28 janvier 2016 sur la plateforme Tidal que l’album est apparu et le 29 janvier que ANTI, qui devait au départ se nommer R8, fait sa sortie officielle. Habitué à sortir un album presque tous les ans, il a fallu en attendre quatre pour celui-ci depuis Unapologetic paru en 2012. Cette attente en valait-elle la peine ?

Hype Soul a pris le temps d’écouter la version Deluxe de l’album ANTI qui propose trois titres en plus que le basique. La première chose que l’on retient à la vue de tous ces titres, c’est que les trois tubes qui ont marqué 2015 ne sont pas présents dans ce LP. Passons. D’entrée de jeu, on est scotché par "Consideration", ce titre en duo avec la chanteuse SZA est juste ce qu’il fallait pour mettre d’accord sur le fait que Rihanna arrive toujours à créer d’agréables surprises. Avec ce premier extrait la barbadienne n’hésite pas à prendre les rennes et à taper du poing sur un pur beat hip hop qui tire vers l’underground, entremêlé de voix aux airs rasta et soul dans un sentiment de désinvolture.

"Consideration" réussit à nous réveiller de notre sommeil hivernal. Avec ce featuring, on pourrait croire que la jeune femme souhaite revenir à ses racines dans cet album. Même si elle a délaissé la dance music, Rihanna continue d’explorer d’autres thèmes musicaux. Elle fait d’ailleurs la transition avec "James Joint", un interlude doux et mélodieux, qui fait rapidement planer surtout lorsque l’on se penche sur les paroles :

I’d rather be smoking weed whenever we breath every time you kiss me
Don’t say that you miss me, just come get me

On se laisse entraîner lentement sur la troisième piste, "Kiss It Better". C'est là qu'on s’abandonne complètement sur ce titre qui est surement le plus réussi de cet album. C’est un régal de retrouver la guitare électrique souvent présente dans les précédents albums de Rihanna, après "Fire Bomb" ou encore "California King Bed", la philanthrope a enfin réussi à allier jusqu'au bout les ondes sonores de la guitare et les notes graves et cosmiques du synthé. Elle n’a plus qu’à juxtaposer sa voix résonnante sur cette superbe fusion. Le seul reproche ? Ne pas avoir été plus loin dans l’écriture. Seulement deux couplets, dont un pour le refrain, font l’histoire. On aurait souhaité connaître la fin sur ce prétendu qu’elle tente de récupérer.

En parlant de prétendu, on la retrouve avec Drake sur le morceau suivant, "Work". Ce dernier fait office de premier single à son huitième album est loin d’atteindre le niveau des antécédents "What’s My Name" et "Take Care" en terme d’originalité bien que la prod reste accrocheuse et qu’on sait d’avance que "Work" est en passe de devenir un tube que l’on retrouvera dans les clubs grâce à son beat dancehall. D’autant plus qu’une collaboration entre Drake et Rihanna a toujours le même effet, celui qui éveille la sensualité qui se cache en nous. En revanche, cet état en est loin avec la succession de "Desperado", "Woo" et "Needed Me". Trois titres beaucoup plus sombres et rythmés.

Si avec le premier, "Desperado", on tient un possible hit grâce à ses faux airs de western moderne, avec "Woo", Rihanna nous embarque dans une ambiance complètement insupportable et oppressante composée de deux notes pour fil rouge qui pompent l’air. De plus, la présence de Travis Scott n’aide pas vraiment puisqu’elle est inutile et n’apporte rien, tout juste présent pour placer des "yeah" et des "hoo hoo". La jeune femme aurait pu s’en charger elle-même. On note aussi qu’elle aime s’inspirer de son passé musical puisque là encore, on retrouve ce style de voix étouffée qu’on connaissait déjà, dans "Rockstar" par exemple, de l’album Rated R. Pour "Needed Me" l'esprit nauséabond de "Woo" embrume encore un temps notre esprit. Pourtant après plusieurs écoutes, on se rend compte que DJ Mustard a fait un joli travail sur cette production urbaine qui permet de retrouver cette face rebelle et provocatrice aussi bien dans les paroles que dans l’attitude que possède la barbadienne.

UN VIRAGE AU CALME

On entre dans la deuxième partie de cet opus, qui nous entraîne dans un décor posé et tiède. Rihanna ralentit la cadence et tranche avec cette courte production signée Timbaland, "Yeah, I Said It" qui est, on peut le dire, une invitation vers ses draps. Elle la chante ou plutôt la susurre à qui aimerait l’entendre, mais au final on est bien contents que cette transition ne dure que deux minute quinze, car elle n’apporte pas grand-chose. Rien d’impressionnant n’en ressort si ce n’est qu’une rupture avec la première partie de ANTI.

On continue notre voyage, et forcément on ne peut pas passer à côté de cette reprise du groupe australien Tame Impala, leur morceau "New Person, Same Old Mistakes" devient "Same Ol’ Mistakes" par Rihanna. Cette dernière a voulu s’essayer au genre rock psychédélique. Pour le coup, elle ne s’est pas vraiment foulée en se contentant d’ajouter quelques flux de synthétiseur pour apporter des allures New Age. Pourtant le résultat est bluffant, puisque Rihanna s’adapte aisément et pourrait facilement s’orienter vers ce style sur ces prochains disques.

Restons dans le présent avec "Never Ending". Sans aucun doute l’extrait le plus poignant de ANTI, cette interpolation mélodique du célèbre morceau "Thank You" de Dido permet à Robyn Rihanna Fenty, son vrai nom, de trouver l’inspiration à travers une vulnérabilité qu’on lui avait presque oublié. Bien que "Never Ending" n’offre pas une musicalité détonante, l’interprète s’ouvre et se livre à cœur ouvert. Elle partage ses sentiments et nous laisse entrer dans sa tête, mais là où elle crée l’agréable surprise, c’est avec le morceau qui suit.

"Love On The Brain", est vocalement parlant la claque de cet opus. Rihanna remonte le temps avec ce titre et on bascule dans le début des années 60. L’artiste n’hésite pas à prendre des risques, et on ressent pleinement le plaisir qu’elle a eu à le faire. Elle nous emporte avec cette balade romantique et n’hésite pas à jouer avec les tons de sa voix entre soul et rock’n’roll, grave et aigüe, nous offrant l’étendue de sa palette vocale qui se veut intemporelle. On ne peut qu’applaudir la chanteuse grâce à cette pirouette artistique merveilleusement bien menée.

Cette dernière n’ayant pas réussi à décrocher des sixties, elle continue avec "Higher", qui rappelle instrumentalement la légende qu’était Etta James, bien qu’il s’agisse d’un sample du titre "Beside You" joué par le groupe de jazz américain formé en 66, The Soulful Strings. Il est vrai que ce titre nous séduit par ce choix d’accompagnement, et même si on aimerait rester coincer dans le passé avec Rihanna, on y arrive pas en raison de la partie chant qu’elle nous impose. En se voulant maladroite, elle finit par nous casser les oreilles à s’égosiller de la sorte. Une démarche sans doute voulue pour donner plus d’âme à sa chanson. Insuffisant, malheureusement. Bonne nouvelle : cette torture auditive ne dure que deux minutes.

On est ravis de passer à la suivante qui s’intitule "Close To You". Une dernière ballade qui n’est autre qu’une sorte de reproduction de son tube planétaire "Stay". La belle a surement eu envie de retenter la même réussite avec "Close To You". Le résultat ? Un sentiment de déjà vu. On passe.

LES TROIS PETITS BONUS

Le premier est en réalité une transition que l’on connait déjà puisqu’il s’agit du morceau accompagné de la campagne de la marque Dior pour laquelle Rihanna était égérie l’année dernière. Titré "Good Night Gotham", ce dernier n’est autre qu’une empreinte du refrain extrait du titre "Only It For a Night" du groupe britannique, Florence and The Machine. Transformé en interlude d'une minute trente, on aurait souhaité qu’il soit encore plus développé et exploité car cette adaptation nous emmène dans un endroit futuriste et chaotique qui mérite une fin enchanteresse. Très rapidement on plonge dans "Pose". Cette musique sonne comme une suite de "BBHMM", on retrouve le même univers, des envolées de percussions ici et là, des frappes de synthé, le tout bouillonne dans une parade urbaine et pour appuyer cette probable suite, Rihanna utilise encore son fameux accent natal et les mêmes intonations colériques et hargneuses qui donnent son énergie. On termine cette aventure par "Sex With Me" que l’on place juste derrière "Kiss It Better" parmi nos coups de cœur. La belle, qui a bien conscience d’être un sex symbol pour beaucoup, veut continuer de faire fantasmer avec cet extrait plutôt bien rôdé grâce à une prod' qui scintille aux airs presque pop mais se rattachant pourtant à un esprit r&b. Elle surfe toujours sur son accent caribéen et en fait rêver plus d’un et surement plus d’une en attisant la curiosité et en éveillant les esprits sur les prouesses sexuelles qu’elle s’attribue.

ANTI est un album qui s’est fait attendre. Une patience mal exploitée avec seulement 16 titres dont 3 bonus. Une erreur en partie due à la mauvaise stratégie marketing de ses labels Roc Nation et Westbury Road. Alors pour répondre à la question que nous nous posions dans nos premières lignes, est-ce que cette attente en valait la peine ? Et bien oui et non. Bien que ce huitième projet contient des extraits qui deviendront très certainement des hits planétaires, on reste conscient que Rihanna nous a proposé un travail qui en majeure partie ne parle que d’amour. Elle passe presque pour une désespérée, en oblitérant tellement d’autres sujets à exploiter que l’on finit par être lassé de ses "love story" que l’on connait déjà à travers les tabloïds et les réseaux sociaux. Il faut que la barbadienne se réinvente dans son écriture et prouve qu’elle a de la répartie sur d’autres thèmes.

Si la belle promettait à son public que ce LP sera à l’inverse de leur attente, on reste quand même sur notre faim au niveau de certaines prod' qui n’ont pas été abouties, où encore bâclées et d’autres pas assez creusées, à l’image de "Good Night Gotham". Rihanna veut prendre des risques, mais hésite encore à aller jusqu’au bout de cette manœuvre, et pourtant on retient sa superbe collaboration avec SZA sur "Consideration" dont la fusion est parfaite car il y a bien longtemps que l’on n’avait pas entendu Miss Fenty accompagnée d’une autre voix féminine. Et puis, la chanteuse réussit toujours à nous surprendre en nous offrant des petits bijoux qui nous vont à ravir, comme par exemple les fameux "Kiss It Better" ou encore "Love On The Brain" qui rassemblent tout le monde sur un même avis.

ANTI regroupe globalement un bon travail. Rihanna s’essaye à de nouveaux genres mais continue de garder son âme en prenant du plaisir à chanter et à s’adapter sur des productions qui peuvent être lourdes et manquer de construction pour certaines mais qui restent de très bonne qualité à l’écoute dans l’ensemble. On peut donc comprendre que les avis soient partagés mais ne pas l’approuver du tout, on aurait du mal à le croire.