Authentique, risqué mais paradoxalement très fade.

Attendu comme le Messie depuis janvier 2015 lorsque Rihanna avait dévoilé le prometteur FourFiveSeconds, premier single suivi de deux autres pas franchement excitants (et qui ne sont au final pas sur le disque), le huitième album de la chanteuse a enfin été dévoilé après une promotion déroutante et des reports incessants qui ont fait baisser l'excitation.

Des propres aveux de Rihanna, "ANTI" est un album qui se veut "intemporel". L'artiste barbadienne voulait créer des chansons qu'elle pourrait interpréter toute sa vie avec la même émotion, soulignant au passage que ses sept albums précédents ne lui ressemblaient pas vraiment. Non, sans blague ? Avec sept disques plus ou moins réussis en 8 ans, sur lesquels Rihanna n'a dû écrire que trois chansons réellement, on se doutait un peu que les producteurs prenaient le dessus sur une artiste qui se voulait aussi énervante que fascinante.

Alors à quoi ressemble du "vrai" et de l'authentique Rihanna ? ANTI nous donne un début de réponse : des productions assez épurées mélangeant reggae, soul et musique urbaine avec des performances vocales assez étonnantes. Malgré tout ce qu'on peut penser des qualités de chanteuse de la protégée de JAY Z, c'est bien ce qui l'avantage ici ! Tantôt reggae avec un accent antillais exagéré sur Work ou Consideration, miaulant sur Same Ol' Mistake ou se testant à la soul sur Love On The Brain, Rihanna se dévoile une fois de plus comme une interprète intelligente (ce qui fait qu'on lui pardonnera les hurlements "mélodiques" de Higher). Après, ce que ça donnera en concert ...

Si l'interprétation offre de la matière, la production et l'écriture laissent perplexes. Comme je l'ai dit précédemment, les productions de ANTI sont épurées par rapport à du Rihanna traditionnel. C'est donc avec un peu de surprise qu'on retrouve Timbaland derrière Yes, I Said It ou DJ Mustard sur Needed Me. Mais sinon pour le reste, il n'est pas dur de retrouver la patte des producteurs et justement, c'est bien ça le problème ! Chaque collaborateur amène sa touche à ANTI sans sembler se soucier une seconde que c'est l'album de Rihanna, plus passive que habituellement agressive.

Jeff Bhasker apporte le côté pop de l'album avec Kiss It Better, seul tube potentiel teinté d'influences 80s. No I.D. offre une production old school sur Higher qui pourrait être utilisée pour n'importe quel freestyle. Desperado et Woo font tellement penser au bon copain Travi$ Scott qu'elles pourraient très bien se retrouver en bonus track sur son album Rodeo. Sans surprise, l'une est produit par Scott et l'autre par Hit-Boy. Ce dernier ajoute une production passe-partout avec Pose qui décolle un peu grâce à l'interprétation de Rihanna. Enfin Boi-1da semble chercher à produire un Hotline Bling 2.0 avec Work, sans le côté pop et accrocheur. Brian Kennedy fait ce qu'il fait de mieux sur Close to You, c'est-à-dire une ballade R&B. Et enfin, l'artiste de R&B indie SZA vole la vedette sur Consideration, plus son titre que celui de Rihanna.

Vous l'aurez donc compris après cette longue tirade : Rihanna n'a pas de signature et se contente d'interpréter des titres qui, pour une fois, ont été écrits par elle. Malheureusement rien de très intéressant dans l'écriture non plus, à croire qu'il ne se passe pas grand chose dans la vie sur-médiatisée de la chanteuse. Rihanna a beau se mettre en avant comme une femme forte en déclarant faire les choses comme elle le sent sur Consideration avant de clamer "you was just another nigga on the hit list" à son ex et "kiss it better" à son nouveau copain, les dernières ballades de l'album laisse la chanteuse à la recherche de l'amour. Même son compte Instagram a plus de saveur !

Je ne veux pas vous laisser croire que ANTI est mauvais pour autant. Malgré un manque de surprises et surtout d'identité, les productions sont très bonnes et, comme je l'ai souligné plusieurs fois, l'interprétation superbe. Cependant, les attentes étaient trop hautes pour un album qui se voulait "intemporel". ANTI s'écoute bien mais rien ne reste réellement en tête. L'ensemble est au final plat et fade et pas personnel, malgré deux ou trois petites surprises comme Love On The Brain, Kiss It Better ou le superbe Same Ol' Mistake ... Attendez, je n'ai pas parlé de ce morceau ?

Une production psychédélique qui a de la gueule, hallucinée et grandiose, pop sans être forcée. Un style qui colle étrangement bien à Rihanna. De la saveur a un album sans goût ! Manque de bol, c'est l'exacte reprise du titre New Person, Same Old Mistake de Tame Impala, présent sur leur dernier opus Current. Donc oui ça a de la gueule, oui c'est le moment le plus savoureux d'ANTI, mais en gros Rihanna fait du karaoké. Bref, voilà une conclusion qui résume bien l'album.