As You Were
6.7
As You Were

Album de Liam Gallagher (2017)

La prouesse de As You Were ne réside pas dans la finesse de ses compositions ni même dans la voix vieillissante et nasillarde de Liam, l'effet "cigarets and alcohol" probablement mis de côté au fil des ans (on réécoutera le live Familiar to Millions pour s'en convaincre). On ira plutôt chercher dans la franchise de l'auteur, toujours un peu ambiguë certes, de reconnaître deux trois conneries du passé posées sur acétate.


Il y a en Liam quelque chose d'un peu pathétique, mais plutôt de gentiment pathétique. Accroché corps et âmes au traditionnel rock des années 60 qu'il rabâche sans cesse, dans son accès le plus primaire et viscéral ("I just do rock'n roll man" à longueur d'interviews), jusque dans la signature de ses compositions rappelant ici les Stones, là-bas les Kinks, un peu le piano de Lennon et les cordes du dernier opus d'Oasis. Pourtant il n'en a ni la classe ni l'élégance, encore moins la profondeur. George Harrison a déjà suffisamment craché sur Oasis pour se convaincre d'une pâle copie exécutée par deux frangins fans des Beatles, éructée sur fond d'un mur de guitares saturées et inaudibles. Mais voilà, le pouvoir de conviction passe avant tout et ont permis aux frangins de connaître une carrière remarquable et iconique.


On retrouve cette même générosité ici même si rien ne semble totalement nouveau. A la première écoute, le premier Beady Eye semblait encore plus affirmé dans cette digestion de la pop et du psychédélisme des sixties, terminant sur une trajectoire de rock progressif du plus bel effet. Different Gear, Still Speeding avait cette majestueuse patte de croire totalement en ses vieux fantômes du rock quitte à se vautrer partiellement.


As You Were fait l'effet inverse : point d'euphorie, juste du gros son qui crache et qui enfonce des coups de marteaux dans les oreilles. La production est en effet beaucoup plus riche, beaucoup plus lourde aussi et trouve ses plus beaux instants dans de compositions où l'on distingue, ouf, des cordes sèches. Il y a toujours cette patte reconnaissable parmi tant d'autres de Liam d'allonger où chaque voyelle ou chaque consonne finale est chantée jusqu'à bout de souffle, transformant ainsi son verbe en chœur pop-rock lancinant. On est à la maison, Liam en a encore sous la patte, on est en territoire connu. Dommage que l'ensemble soit en revanche un peu longuet, brassant les genres avec une certaines régularité mais on peine à faire le tri.


La beauté d'As You Were arrive par la suite, quand on a compris là où Liam a souhaité nous emmener. Aucun virage puissant à déplorer, juste cette volonté quasi obsédante de distribuer du rock'n roll et rien que cela (il est écrit en gros "rock'n roll" sur la grosse caisse lors des live). Plongé dans son personnage de lads mal poli et mal tenu, sorte d'autiste des journalistes vautré dans un parqua kaki la boule à zéro à mille lieux de sa classe branchée des années 2000 (on pensera au live de 2005 à Wembley, lunettes, bob blanc et cuir rouge annonçant la tendance anglaise à venir chez tous les jeunes se rêvant Liam), Liam se fout à poil, comme Iggy Pop l'avait fait pour Lust For Life, et produit un disque à la fois dansant, parfaitement écoutable en toutes circonstances, que l'on oubliera peut-être très vite mais qu'importe : let's rock.


En définitive, l'album que Coldplay aurait sans doute fait avant de basculer dans l'esbroufe FM à stades.

XavierChan
7
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le 31 oct. 2017

Critique lue 329 fois

XavierChan

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