BĒYĀH
4.8
BĒYĀH

Album de Damso (2025)

"Je facture mes émotions" : Damso, PDG de son propre trauma

Damso vend sa haine des femmes comme une douleur légitime : BĒYĀH, c'est le male gaze en streaming haute définition. L'album se veut intime, douloureux, spirituel mais sous la surface d'un vernis mystique et de l'esthétique léchée, il ne reste qu'une banalisation des rapports de domination, recyclée en branding personnel.


Damso vend sa souffrance comme une preuve de légitimité, tout en feignant d'en critiquer la marchandisation - posture schizophrène, typique du capitalisme émotionnel, où les affects ne sont plus vécus, mais exploités et facturés. L'authenticité devient un simulacre rentable, où chaque larme alimente la machine à cash. "Je facture mes émotions", dit-il sans ironie.


Le fond idéologique est tout aussi problématique. On y trouve une misogynie frontale, brute, violente, totalement assumée, parfois même glorifiée (cf. la punchline sur Benjamin Mendy dans VIE OLENCE, qui frôle l'apologie du viol avec une désinvolture glaçante). À cela s'ajoute une lecture cynique des rapports humains : les femmes y sont objectifiées, les relations sont suspectes, la tendresse est piégée d'avance. L'amour est soit une perte de contrôle, soit une stratégie de domination, jamais un espace d'égalité ou de réciprocité.


Ce discours s'inscrit dans une virilité postcoloniale régressive construite sur un double mythe, celui de l'homme noir forcément brisé par la société, et celui du "survivant" qui a su s’imposer par la force. Damso se présente en héritier de la rue, du trauma, du rejet, mais tout dans sa posture trahit une réécriture de classe. Il réinvente un passé de galérien pour mieux légitimer sa domination présente. Certes, sa famille a fui la guerre, mais comment dire, être élevé par une mère sociologue et un père cardiologue, ce n'est pas exactement ça, la misère.


Musicalement, rien ne vient sauver cet effondrement idéologique. L'intelligence artificielle est utilisée comme un gadget de plus, sans ambition esthétique ni rupture formelle. L'esthétique est léchée, l'écriture parfois cryptique, mais le fond reste creux : une suite de poses, d'affects instrumentalisés, de rancœurs rentabilisées.

WuMing9
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le 30 mai 2025

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