Longtemps, la petite mort a été l'invitée d'honneur des albums d'Elysian Fields : les gémissements de Jennifer, dont le moindre souffle fait instantanément vibrer le périnée d'un violent désir, sont directement branchés sur divers organes indicibles ici.C'est cette fois un autre type de mort, moins sexy, qui plane sur Bum Raps & Love Taps : le quatrième album des New-Yorkais torturés est dédié à Dee-Dee, grand-maman de Jennifer décédée récemment. Cet album est également le produit d'un autre trépas, celui d'un amour cette fois : Oren Bloedow et Jennifer Charles sont toujours un groupe, mais plus un couple. On imagine la tempête sous les crânes : pas simple de continuer quand on doit faire face, jour après jour, aux manques douloureux, aux rechutes malsaines. Bum Raps & Love Taps porte ainsi plus évidemment que ses prédécesseurs les traces maladives mais superbes de la perte, physique ou métaphysique. Plus abouti et profond que Dreams That Breathe Your Name, il est aussi plus expérimental, tordu et ésotérique. L'omniprésent piano (les très beaux When et Out to Sea) et les arrangements classiques empruntent ainsi sur quelques morceaux (les magnifiques Lions in the Storm, Sharpening Skills ou Duel with Cudgels) des chemins ensorcelants, sinueux et vaporeux.
Ils mènent vers les sphères inconnues qu'Elysian Fields ne cesse de chercher à atteindre depuis ses débuts, mais plus directement que jamais. (Inrocks)


Elle Était Venue De Californie... On avait quitté Jennifer Charles l'an dernier en galantes compagnies, celles de Fred Jimenez (aux instruments et à la chandelle) et surtout de Jean-Louis Murat, étourdi par la sensualité de leur fécond A Bird On A Poire. De retour à la Grosse Pomme cette fois, après cette première incursion réussie dans la langue de son double auvergnat sa reprise des Amours Perdues sur Great Jewish Music: Serge Gainsbourg exceptée , notre (Lyn)chienne torride s'est attelée sans tarder aux finitions du nouvel album d'Elysian Fields, le groupe dont elle préside aux destinées depuis l'aube des années 1990. Coécrit avec son ancien amant guitariste Oren Bloedow, Bum Raps & Love Taps déroule sans surprise ce même tapis jazzy atmosphérique où sa voix sait si bien s'étendre. Difficile en effet de ne pas user de la station horizontale pour évoquer le chant le plus suggestif entendu de ce côté de la pop depuis Dusty Springfield et Nancy Sinatra. Ponctué d'orages électriques (le très rock Set The Grass On Fire, le bluesy Sharpening Skills), ce nouvel opus magnifiquement orchestré et interprété révèle malheureusement à plusieurs reprises quelques faiblesses de composition. Très influencé par Nick Cave (et donc, de façon plus ou moins consciente, par Lee Hazlewood et Leonard Cohen), Bloedow peine de plus en plus souvent à raviver son inspiration. On se serait ainsi volontiers dispensé de l'introduction (quatre minutes de guitare planante) de Duel With Cudgels et de l'intégralité de l'interminable When. Et si Lions In The Storm, dans son genre, ne vaut guère mieux, on se consolera avec la triplette Bums Raps & Love Taps, Lame Lady Of The Highways et We're In Love, où Jennifer tient une fois encore la baraque à elle seule. Dommage en tout cas que son séjour hexagonal n'ait pas été le déclencheur d'échanges transatlantiques, Murat annonçant ces temps-ci ne plus vouloir écrire qu'en anglais... French Kissing? (Magic)


Marqué à vie par une danse du ventre de fin de concert à Saint-Lô (pourtant la ville en apparence la moins sexy de France) au milieu des années 90, j’ai toujours une pensée émue à l’évocation de Jennifer Charles, et de la langueur qu’elle déploie sur scène et sur disque au sein d’Elysian Fields. A cet égard, la pochette arrière de Bum Raps & Love Taps ne déçoit pas : on y voit Jenny (pour les intimes fantasmés que nous sommes) en position de tireur semi-couché et une mitrailleuse de fête foraine à la main, plus lascive que martiale.

L’album, quant à lui, répond à ces attentes des sens : accords de guitare amples, production léchée et aérienne, où la reverb occupe une place de choix. Sur ces bases auxquelles le groupe nous avait habitués, le duo égrène des compositions tantôt d’un intimisme dépouillé (à l’instar de l’émouvant "When") tantôt d’un psychédélisme nébuleux et plus dense (sur "Duel With Cudgels", la pièce de résistance de l’album – 4 minutes de montée en douceur avant l’arrivée de la voix et d’une guitare tordue). Après dix ans d’existence, l’apaisement n’est toujours pas le maître mot chez Elysian Fields, et si on peut reconnaître au groupe une maîtrise certaine de leur spécialité – disons, la pop atmosphérique -, l’album ne tourne jamais à l’exercice de style ou au recyclage de recettes passées. La voix de Jennifer Charles y est pour beaucoup, confondant avec délectation langueur et instabilité, jouant de sa séduction tout en y succombant en permanence. Dès le second titre, le mot d’ordre est de mettre le feu aux pelouses ("Set The Grass On Fire") sur un vrai-faux boogie aux allures d’OVNI défaillant : on ne peut qu’obéir à ce type d’injonction.
Doit-on espérer qu’Elysian Fields continuera à creuser le même sillon ? Saint-Lô demeurera-t-elle malgré tout un microcosme résolument pop où la coupe au bol est toujours en vigueur ? Si "Bum Raps & Love Taps" ne répond pas complètement à ces questions, ni ne révolutionne l’univers du duo, ces Champs Elysées donnent une vision assez fantasmagorique du paradis que le nom du groupe évoque : tour à tour dérangé et sensuel, instable et lumineux.(Popnews)

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le 24 mars 2022

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