Autant l'avouer, l'intérêt principal de Richard Buckner s'est longtemps situé quelque part dans la prestigieuse liste d'intermittents du spectacle convoqués sur ses cinq précédents albums. En effet, on ne croise pas le fer avec Howe Gelb, Calexico, Marc Ribot, John McEntire ou David Grubbs sans éveiller l'attention de l'internationale des éplucheurs de crédits. Les choses ne risquent d'ailleurs pas de s'arranger avec Dents And Shells, qui voit Andrew Duplantis, le batteur des Butthole Surfers et Jason Morales unir leurs efforts pour accoucher d'une nouvelle sensation folk. Car à trop se focaliser sur ses invités de marque, on en viendrait presque à oublier que Richard est, avant tout, un compositeur doué doublé d'un interprète de qualité, bref une valeur sûre de l'americana. On sent ici plus que jamais toute l'influence d'une littérature de qualité dont Faulkner, Kerouac, Brautigan et Fante incarnent la substantifique moelle. Ces chansons puisent à la même source que Blonde On Blonde du vieux Bob et surtout Nebraska, le chef-d'oeuvre de Bruce Springsteen. Et ce n'est pas un hasard si, comme l'album du Boss précité, Dents And Shells contient plusieurs chansons enregistrées dans des chambres d'hôtel. Sans atteindre les sommets foulés par Richard Thompson, Leonard Cohen ou Townes Van Zandt auxquels il est souvent comparé à tort, Richard Buckner fait plutôt penser à un artisan soigneux dont les oeuvres ne sauraient craindre la patine du temps.(Magic)


Il n'y a pas si longtemps, alors qu'il commençait à se faire connaître avec un disque magistral, dans lequel il était aussi difficile de rentrer qu'il était désagréable d'en sortir, Richard Buckner s'était vu estampiller "Ian Curtis folk" par une partie de la presse spécialisée. Aujourd'hui nous pouvons être convaincus que Buckner s'est brillamment sorti de cette "Impasse". "Dents and Shells" ne reprend pas exactement les choses là où le précédent disque les avait laissées. Le chantier aurait été trop important et le sillon creusé trop en profondeur. En fait "Dents and Shells" s'écarte sensiblement du chemin tracé par son prédécesseur, pour aller sans doute plus loin que lui. De la masse brute et difficile qu'était "Impasse" ce dernier album ne garde que le meilleur et l'assaisonne de quelques nouveaux ingrédients qui font la différence. Le meilleur en l'occurrence, c'était le mariage parfait entre la voix grave du chanteur, sépulcrale à certains instants, et une guitare omniprésente, envahissante presque, si tant est qu'on puisse entendre ce terme de façon positive. On retrouve ici le tandem, moins aride, moins austère mais tout aussi efficace. La voix n'a rien perdu de son intensité et décèle même quelques facettes inconnues, plus caverneuses encore qu'on aurait pu l'imaginer, sur "As the Waves Will Always Roll" par exemple. Quant à la guitare, on la retrouve également, mais ce n'est plus qu'une protagoniste, au premier plan d'un décor plus riche. Si les fans de Buckner étaient déjà habitués aux rythmes disloqués de la batterie, qui savent donner ponctuellement de la cadence aux chansons, la guitare électrique apporte ici une touche de légèreté nouvelle, appréciable sur une bonne partie des titres. Mais c'est surtout le piano, dont la récurrence devient de plus en plus indispensable, qui donne de la profondeur aux morceaux, leur imprime un second degré de mélodie, parallèlement à la voix. Fortes de cette nouvelle architecture, les chansons ne perdent rien en intensité crépusculaire mais explorent de nouvelles dimensions de cet univers. On songera une ou deux fois aux Tindersticks au détour d'une intonation ou d'une instrumentation. Le titre "Firsts" quant à lui est écrit selon les règles d'un minimalisme qui ne manquera pas d'évoquer (Smog). Buckner transcende toutefois ces similitudes, les passant au crible de sa propre marque. Ce qui fait sa personnalité tellement singulière, c'est ce mélange de noirceur qui fonde chacun des morceaux et cette sorte de désinvolture distanciée, finalement assez indéfinissable, qui émane de sa voix. Dans un élan de génie tourmenté, Buckner invente le concept du disque qu’il est impossible d’écouter à la légère... et qu’il est impossible de ne pas écouter.(Popnews) 
bisca
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le 13 mars 2022

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