E
7.4
E

Album de Enslaved (2017)

Le black-metal au pays des Mellotrons

Un jour, les membres d’un groupe de black-metal norvégien se sont demandés « OK, que pourrait-on faire pour sortir de la masse? » L’un d’entre eux a dit « Je sais: inspirons-nous du rock progressif! » Et le plus étonnant, c’est que ses petits camarades ont répondu « Ah oué, cool! » Et c’est ainsi qu’Enslaved a sorti un album comme E.


Enfin, je crois.


Bon, pour dire vrai, ça fait un petit moment qu’Enslaved s’est aventuré sur les périlleux rivages du prog et nous balance des albums qui, sans complètement renier ses origines black, vont de plus en plus loin dans le pays des Mellotrons et des sonorités seventies, flirtant également avec le psychédélique.


E, c’est juste l’aboutissement actuel d’un cheminement; si ça se trouve, dans dix ans, ils vont faire du ELP pur jus.


Avec un peu plus d’une heure, E n’est pas un petit gabarit. L’album ne compte que huit pistes (en comptant les deux bonus), mais les deux plus courtes tournent autour des cinq minutes, les autres s’échelonnant entre huit et onze minutes – même par son format, c’est un album de prog.


Bon, après, « prog », c’est vite dit: Enslaved n’a pas pour autant abandonné son héritage musical black en rase campagne et l’album donne plus dans le black-metal avec des – très grosses – influences prog que dans le metal progressif avec une vague teinture black par-dessus (genre maquillage cadavérique au crayon gras).


Ce qui est impressionnant, c’est qu’un tel mélange a un côté « huile et eau » – le genre de truc à peu près impossible à mélanger proprement – qui en fait presque un oxymore. Pourtant, Enslaved arrive à nous pondre des compositions qui rendent la mixture non seulement possible, mais presque comme naturelle.


On a donc des guitares agressives qui côtoient des nappes de claviers planants et un chant clair, limite éthéré, et des chœurs qui répond à des growls, le tout dans des compositions complexes en plusieurs tableaux, qui s’enchaînent et se répondent.


Des pistes comme « Storm Son » et son refrain quasiment liturgique, « Sacred Horse » et son hallucinant solo d’orgue Hammond et des guitares de folie, sont parmi les joyaux de E, des opus incontournables. J’aime bien aussi « What Else Is There », deuxième titre-bonus. Après, je suis un peu moins fan des accents psychédéliques d’un « Axis of the World », par exemple.


Candidat sérieux, bien que tardif, au titre d’album de l’année, E est un exemple des alchimies qui peuvent se former sur les frontières entre les différents genres. Même – surtout, en fait – si ces frontières sont peu fréquentées et de prime abord, tiennent plus de la lande aride que de la contrée verdoyante.


Je recommande donc chaudement cet album, que ce soit auprès des black-metaleux ou des prog-heads, pour autant que les uns comme les autres aient l’esprit ouvert aux expérimentations.

SGallay
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le 29 nov. 2017

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