Endless Skies
8.1
Endless Skies

Album de Ashbury (1983)

Tel un vidéaste bien connu sur YouTube qui s’était fixé le but de trouver le film de genre ultime, j’ai toujours voulu en faire de même avec la musique rock.

Ainsi, quel pourrait-être l’album de rock ultime ? Un disque qui représenterait le meilleur de son genre, qui combinerait tous les attraits, les clichés universels de ce style en un melting-pot parfait, cohérent, et unique ? Un disque qui ne jouerait pas la carte du remplissage et serait excellent de bout en bout ?

Moi qui pensait trouver l’album de rock ultime chez les grands pontes du genre, les monstres indéboulonnables aux millions de disques vendus (que j’aime beaucoup, attention), c’est sans exigences ni attentes que j’écoute Endless Skies de Ashbury.


Premier album de cette formation qui s’est créée en 1980, sous la houlette des deux frères Randy et Rob Davis accompagnés du batteur Johnny Ray, Endless Skies a été enregistré en 1983 à Tucson, en Arizona par le power-trio, et a rapidement été la victime du contexte et de l’époque à laquelle il est sorti.

En effet, à une époque où la culture n’était pas aussi accessible qu’aujourd’hui, où internet n’existait tout simplement pas, comment le premier album d’un obscur groupe venu du fin fond du Grand Canyon State peut-il se tailler une place parmi certains classiques de cette année que sont Kill ‘Em All, Piece of Mind, Holy Diver, Crystal Logic ou encore Pyromania ?

On l’imagine aisément, le succès commercial d’Endless Skies sera modéré, les curieux, amateurs de rock underground écumant les disquaires vont tout de même le reconnaître comme le fan de catch va reconnaître son chef tribal, mais la communauté touchée par Ashbury ne représentera jamais plus qu’une poignée de hardos, l’engouement pour cet album, comme le groupe d’ailleurs, va s’endormir un long moment.

C’est bien plus tard, avec internet justement, comme beaucoup d’albums discrets ou oubliés des eighties d’ailleurs, que ce disque va connaître un second souffle et une nouvelle reconnaissance, reconnaissance qui va motiver le groupe à sortir, 27 ans après Endless Skies, un deuxième album, comme quoi internet a du bon parfois.


Court (moins de quarante minutes) mais concis et jamais inutilement long (certains devraient en prendre de la graine), l’album contient un total de neuf titres dont aucun n’est à jeter et dont chacun a sa place et son charme dans Endless Skies, qui débute avec The Warning, pépite qui aurait pu, avec un alignement des étoiles différent en 1983, devenir un tube instantané.

L’écoute du premier morceau et ceux qui suivent jette déjà l’atmosphère si particulière du disque, entre un son typé 70’s mais une production si propre et si fluide que l’album n’a pas à rougir face aux mastodontes sortis la même année, cela donne à Endless Skies cette ambiance si unique et si particulière, comme intemporelle.

Take Your Love Away consolide cette impression, mélancolique, à la fois lourd et doux, c’est un titre accrocheur et même foutrement dansant.

Ce constat accompagne tout l’album, dont chaque chanson semble s’enchaîner naturellement dans une mélodie envoûtante, harmonieuse qui explore le meilleur de tout un tas d’influences et de styles en tous genres sans pour autant perdre son authenticité.

Si Vengeance nous rappellera le heavy metal lourd de Black Sabbath, Madman sera plus doux et mêlera le meilleur des Dire Straits ou encore de Jethro Tull, l’interlude acoustique de Twilight offrira une ambiance folk captivante, tandis que No Mourning nous montrera le jeu de guitare mélodique au doigté impeccable des frères Davis, entre un Uli Jon Roth et les arpèges envoûtants des guitaristes de Wishbone Ash. Tous les morceaux jouent de cette harmonie, cette dualité fusionnelle entre guitares acoustiques et électriques, avec des influences tellement diluées dans ce style si particulier, cette atmosphère si unique, qu’il sera impossible pour le hater de crier au plagiat.

À l’image de la jaquette de l’album imaginée par le groupe lui-même, Mystery Man et surtout l’apothéose de cette fin de disque qu’est Endless Skies seront plus épiques et cristalliseront une ambiance plus héroïque, plus épique et fantastique, et ce sans oublier la douceur, la lourdeur, la virtuosité qui transpire de bout en bout sur l’intégralité du disque. Il y a des pochettes qui vous attire, qui sont propices à l’évasion, Endless Skies est un de ces albums dont la qualité sonore suit en quelque sorte ce que vous pourrez observer sur la cover, ajoutant à une immersion totale.


Entre sa production remarquable, son atmosphère si particulière et hors du temps, ses textes jonglant entre des histoires fantastiques et des thèmes plus introspectifs, comme la perte, la séparation, la folie ou bien d’autres, ses riffs accrocheurs, ses solos mémorables et virtuoses, ses harmonies vocales et la voix douce et chaleureuse de Randy Davis, ses passages acoustiques mélancoliques saisissants, l’album a tout d’un classique, mais ce qui va cimenter dans mon esprit sa place en tant qu’album de rock ultime, c’est la diversité des styles musicaux qu’Ashbury va mélanger avec tellement de naturel et de cohérence dans Endless Skies.

J’ai parlé des échos à d’autres formations, guitaristes que l’on entendra dans l’album, mais ce qui va faire la richesse de ce disque est justement ce mélange des genres, entre l’énergie brute du hard rock à papa, la lourdeur du heavy metal en pleine mutation des années 1980, la douceur des passages folk, les inspirations blues, l’ambiance du southern rock à la Lynyrd Skynyrd ou Molly Hatchet (dont Ashbury semble partager avec ce dernier l’attrait pour les pochettes fantaisistes), sans compter les éléments de rock progressif lors des morceaux plus épiques à la structure légèrement plus complexe et l’ajout de synthétiseurs avec parcimonie et subtilité, sans basculer dans le kitsch.


Endless Skies offre donc le meilleur de ce que le rock a à nous offrir et ce sous plusieurs formes, avec tellement de cohérence et jamais sans forcer sur les influences lors de l’alliage de tous ces genres que l’album ne peut que bien vieillir.

Tel le vieux mage sur la pochette du disque, Ashbury est un conteur d’histoires qui a livré avec Endless Skies un sommet qui n’a rien à envier à n’importe quel album culte sorti à la même période. C’est un petit bijou que l’on découvre et redécouvre avec un nouvel engouement et dont le charme ne se dissipe jamais, une magie semble s’échapper à chaque nouvelle audition, une alliance si naturelle, logique et virtuose entre mélodie, lourdeur, ambiance, et une clarté d’écoute indéniable dont certains groupes devraient s’en inspirer, car tout s’enchaîne de manière si fluide et limpide que ça tient du génie, une preuve que l'on peut faire preuve de virtuosité et de richesse de composition dans le rock et ses dérivés, tout en gardant la simplicité brute qui a enfanté ce style.

Ne cédant jamais à la facilité du remplissage qui, avouons le, même chez les colosses du genre qui ont sorti des classiques à la pelle (même ne serait-ce qu’un seul morceau sur un album entier) restait monnaie courante, chaque titre ajoute une plus-value à l’album, le groupe semblant ici à la recherche de l’efficacité de composition la plus idéale.

Endless Skies est donc une prouesse aussi humble et discrète que mémorable, que le groupe lui-même n’a jamais réussi à reproduire (même si Eye of the Stygian Witches reste de bonne facture), comme si l’album restait à tout jamais un accident musical perdu dans le temps.

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le 8 juin 2025

Critique lue 20 fois

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Tom Bombadil

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