Au moment de la sortie de ce premier album, Discharge est déjà bien établi au sein de la scène punk britannique : en effet, le groupe de Cal, Bones et Rainy (rejoints par le batteur Garry Moloney des Varuckers), formé à Stoke-on-Trent en 1977 et brandissant le flambeau du punk originel et radical aux côtés de leurs compatriotes de The Exploited entre autres, avait dans son palmarès plusieurs singles dans les charts indépendants et leur mini LP Why (1981) avait été suivi d’une tournée qui affichait complet à toutes les dates, en compagnie de The Exploited, Anti Pasti, Chron Gren et Anti Nowhere League.


Hear Nothing... est un de ces albums dont l’influence ne peut pas être surestimée. En effet, à l’instar de The Exploited avec leur second (et contemporain) album Troops Of Tomorrow, le punk de Discharge est radical et très metal dans son approche : gros son saturé pour guitare et basse, tempo ultra rapide quasi en permanence, compos minimalistes avec des messages simples et clairs hurlés à tue-tête par le vocaliste, cris de haine et de désespoir sur fond d’ambiance de fin du monde. Discharge a autant inspiré le thrash que le death ou le grindcore. Le fameux d-beat, rythme qui fait partie de l’identité sonore du swedeath et du grindcore classiques et qui est aussi devenu un sous-genre à part, tient son nom de Discharge (même s’ils ne furent sans doute pas les premiers à l’utiliser). Bien qu’ils ne soient pas directement affiliés à ce style (le nom venant de la première démo de Hellbastard), on peut considérer cet album comme le canon du crust également.


En dehors de son contexte et de son héritage, Hear Nothing… demeure un album particulièrement intense même si assez répétitif et linéaire. Les titres sont calés sur des durées n’excédant que rarement les deux minutes, les paroles se limitent souvent à un ou deux couplets de deux vers (voire moins, comme sur Free Speech For The Dumb), ce qui fait de ce disque un concentré de violence contestataire particulièrement efficace.
A titre personnel, j’ai été marqué dans mon adolescence par le morceau The Possibility Of Life’s Destruction, qui avait été repris par Machine Head en bonus sur leur album The More Things Change. J’avais été scotché par l’énergie et la violence qu’il dégageait. La version d’origine est encore plus puissante, d’autant qu’elle est introduite ici par un interlude, le sinistre Cries Of Help.


Il y a eu un certain nombre de rééditions de cet album. La plus récente en version CD (et accessoirement celle que je possède) est celle de Captain Oi! et elle est intéressante en ce qu'elle contient en bonus les singles Never Again et State Violence State Control ainsi que l'EP Warning - Her Majesty's Government Can Seriously Damage Your Health. Toutes ces sorties datant de la période 1982-1983.


Classique du punk et du hardcore, premiers pas du grindcore et du crust, influence majeure du Thrash et dont se réclament tous les plus grands du genre, cet album de Discharge est tout cela à la fois. Un disque dont on ne s’est jamais remis et qui met encore des gros pains dans la tronche presque trente-cinq ans après sa sortie.


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Man_Gaut
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le 5 mai 2016

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Man Gaut

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