Comment bien atterrir après un des meilleurs albums de l'Histoire ? Cette question, plus d'un groupe se l'est sûrement posée, et Led Zeppelin ne fait pas exception à la règle. En 1972, lorsque le groupe rentre une nouvelle fois dans le studio, le quatrième album qu'il avait sorti en novembre '71 commençait à se vendre comme des petits pains, clouant même le bec aux sainte-nitouche de chez Rolling Stones Magazine. Led Zeppelin IV était le sommet de ce que les performances techniques, autant des membres du groupe que des ingénieurs du son, pouvaient donner. Autant dire qu'essayer de sortir un autre album après ça, c'était comme sortir un film indépendant dans la pleine rentrée des blockbusters. Mais, les demandes insistantes d'Atlantic Records aidant, Jimmy Page, producteur et guitariste du groupe, se remet au travail afin d'offrir une nouvelle fois du Led Zeppelin bien fraîs à des américains qui ne demandent que de ça. Fini à la fin 1972, l'album, au nom peu évocateur de Houses of the Holy, ne sortira qu'en Mars 1973 suite au problème quant au choix de l'image qui devait orner la pochette.


Alors, verdict, Houses of the Holy a t-il fait mieux que son génial prédécesseur ? Objectivement, je vous le donne en mille : non. Le groupe était à son apogée en 1971, et Robert Plant voyait déjà sa voix décliner dès 1972. Aucun autre album du groupe, sorti aussi peu de temps après, n'aurait pu être à la cheville de leur chef-d'oeuvre.
Mais il y a quand même deux choses à retenir de cet album : d'une part, le groupe cherche à se réinventer. Les titres de l'album montrent un Led Zeppelin qui se recherche dans de nouvelles sonorités, pour le meilleur et pour le pire. Mais, pour les titres qui sont réussis, on a l'impression que les chansons sont plus personnelles, qu'elles semblent plus proches du coeur alors que celles du IV, aussi géniales qu'elles soient, semblent terriblement impersonnelles et dépourvues de sentiments (exception faite, bien sûr, à Going to California).


Du coup, on va analyser l'album en trois parties : la première est celle des échecs dans l'expérimentation, la seconde celle de titres hard-rock qui finalement ne sont pas trop différentes de ce que le groupe faisait auparavant, et la troisième celle des réussites, celles qui font bouger les lignes, qui cherchent dans le progressif et l'ouvrent à des tonalités plus hard.
La partie des échecs est consacrée aux deux mauvais titres : vous l'aurez deviné, ce sera The Crunge et D'yer Mak'er. Tour à tour des titres de funk et de reggae, ils sont la caricature de leur genre, n'offrent pas grand chose à l'auditeur (sinon d'épater la gallerie en étant capable de dégobiller n'importe quel titre du groupe, même s'il est mauvais) et n'ayant aucune expérimentation. Soit, le groove de Bonham dans the Crunge, dans un beat inhabituel, est largement appréciable, mais le titre n'apporte rien de plus. Je me demande vraiment pourquoi le groupe n'a pas jeté au moins une de celles-là pour la remplacer par Houses of the Holy, titre éponyme finalement éjecté pour être placé dans Physical Graffiti (logique, n'est-ce pas ?)


Les autres titres, ceux qui ont subi la patte de l'expérimentation mais restent du Hard Rock, sont Over the Hills and Far Away, Dancing Days et The Ocean. Ce sont des bons titres (avec mention spéciale pour Over the Hills, tout de même), avec un bon riff, qui ne puent pas la fainéantise comme on pourrait le voir pour n'importe quel groupe qui considère avoir fait ses preuves, mais qui tout de même ont de moins en moins à voir avec le blues dans le genre de Muddy Waters comme le groupe le faisait dans les premières années.


Enfin, la dernière partie, celle des titres expérimentaux qui ont réussi : The Song Remains the Same, The Rain Song et surtout, le merveilleux No Quarter. Pourquoi mention spéciale à ce dernier ? Parce que je pense, honnêtement, que c'est, Stairway mise à part, le meilleur titre que le groupe n'ait jamais fait. No Quarter est dark, groovy, powerful, et plein d'autres mots anglais snob que je n'ai pas envie de chercher. A cheval entre A National Acrobat de Black Sabbath et le prélude de Rachmaninov, No Quarter a la puissance d'une guitare sous-marine, sa puissance portée par les ondes de l'eau, la voix de banshee de Robert Plant et la batterie de damnation de Bonham, couronné par le nouveau Mellotron de John Paul Jones.


Honnêtement, si l'album ne contenait que des titres comme ceux-là, en effet, Houses of the Holy aurait fait un très bon concurrent à Led Zeppelin IV. Ce sont dans ces titres qu'on comprend que la créativité a fait mouche, et au bon moment, alors qu'elle a rendus moins bons encore les mauvais placements comme The Crunge. Mais cette créativité (fermentée avec du merveilleux Acapulco Gold, je suppose), combien d'années tiendra t-elle encore debout ? Les critiques n'ont pas été tendres avec le groupe à la sortie de l'album (l'ont ils jamais été ?), mais le succès populaire est indéniable, bien qu'éclipsé par le titanesque et brillant Dark Side of the Moon sorti le même mois. Avec un cinquième album qui, tout en étant bon, part partout et nulle part à la fois, on se demande ce que le groupe sortira de son chapeau magique alors qu'il reste encore le monstre incontesté du rock.

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le 28 mai 2019

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