In The Wake of Poseidon est le deuxième enfant tant attendu de King Crimson, après le chef d'oeuvre qu'était In The Court Of The Crimson King. L'album part avec un défaut majeur, avant même une écoute attentive : la comparaison obligatoire avec son illustre prédécesseur. Toute la question est alors de savoir si le groupe, avec cet album, réussit à se renouveler, ou suit les traces de leur premier opus, tout en étant incapable de faire au moins aussi bien.


L'écoute de l'album donne une réponse à cette question dès les cinq premières minutes : In The Wake est la suite de In The Court. Arrivée à la fin de l'album, on peut trouver un défaut et une qualité majeurs à l'album. Sa principale qualité est d'être la suite d'In The Court, son principal défaut est d'être la suite d'In The Court.


Comme son prédécesseur, In The Wake est très bien produit et mêle comme peu d'autres albums le jazz et le rock avec la délicatesse toute particulière qui fait la qualité de King Crimson. Les instruments s'écoutent et se répondent, l'interprétation est sans faille. C'est un bon album assurément, mais pas autant que In The Court, malheureusement.


La première face est la meilleure de l'album, mais semble être une redite presque exacte du premier album du groupe. Elle se définit par la particule « de service », à accoler aux titres d'In The Court. En effet, sur cette première face, King Crimson reprend exactement la même recette que celle utilisée pour son album précédent, en ne changeant que légèrement la teneur de certains ingrédients. On se retrouve ainsi avec trois très bons titres, mais assez peu originaux malheureusement. Pictures Of A City est le 21st Century Schizoid Man de service, une introduction rock grandiose et puissante, reprenant les exacts mêmes gimmicks que son équivalent sur In The Court : les petits sauts de rythme, la voix soutenue de guitares puissantes... bref, une bonne chanson mais un énorme sentiment de déjà-vu assez désagréable. Cadence and Cascade est la I Talk To The Wind de service. Une chanson douce amère, une mélodie épurée, une petite flûte en soutien à l'ensemble, on a bien là un archétype bien connu des fans du groupe. Assez peu original mais toujours agréable, on passe à la suivante. In The Wake Of Poseidon est la In The Court Of The Crimson King de service, c'est-à-dire une longue pièce épique, alternant le doux lancinant et le rock entraînant. Une fois de plus, ce n'est pas très original de la part du groupe, mais ça reste une très bonne chanson. Tout en rappelant In The Court Of The Crimson King (la chanson du coup hein), elle semble annoncer Starless quatre ans plus tard. Un parfait morceau de conclusion qui se retrouve coincé au milieu de l'album. Cette première face est à la fois une bonne expérience et une déception. Les trois chansons principales sont d'une grande qualité, et on a véritablement affaire au haut du panier progressif. Malgré tout, on ne peut s'empêcher de trouver la démarche de King Crimson assez paresseuse, et la frustration de se voir refourguer un copié-collé du premier album est assez grande. A ce stade d'écoute, on espère grandement que le groupe se renouvelle sur la face B.


C'est un oui ! Sur la face B, King Crimson fait n'importe quoi ! Au moins, ça change un peu, mais franchement, autant s'arrêter là. Je n'ai pas encore parlé de la triple pièce Peace, disloquée en trois courts morceaux, qui sans être désagréable n'est pas du plus grand intérêt. Ainsi arrive Cat Food, divisée en deux parties, tel le jour et la nuit. On a tout d'abord le droit à un morceau jazzy complété par un affreux chant, donc le « refrain » semble sorti d'un interlude de The Who Sell Out. Le groupe a le bon goût de compléter cette première moitié par un instrumental très agréable, et la chanson n'en ressort pas en véritable désastre. The Devil's Triangle, la vraie pièce expérimentale de l'album, a le mérite d'être plus écoutable que Moonchild sur le précédent album du groupe. Malgré tout, c'est bien à l'écoute de 11 minutes de musique assez peu agréable qu'est contraint l'auditeur. La piste commence doucement, mêlant rythme militaire et guitare lancinante. Mais le tout se transforme en un capharnaüm de tous les instruments bourrins qu'ont pu trouver les membres du groupe. Les cuivres semblent s'engueuler avec les guitares tant la piste n'a aucun sens. L'expérimentation fait partie de l'ADN progressif, mais il y a des limites. Surtout qu'après ce désordre total, le groupe conclue l'album avec la dernière partie de Peace, constituée d'une douce voix et d'une simple guitare acoustique. Et c'est là le problème majeur. Ici, le défaut est de s'être trop éloigné d'une recette efficace sur In The Court Of The Crimson King. Après l'expérimentation, on avait le droit à une dernière épopée conclusive et sublime. Sur In The Wake of Poseidon, le groupe semble nous dire « Ok, tu viens de te faire violer les oreilles pendant 11 minutes, maintenant demande toi si c'était bien ou pas pendant qu'on te passe cet interlude d'ascenseur en fond », là où il nous disait sur le precédent « Ok, tu viens de te faire violer les tympans, maintenant lâche tout et écoute notre puissance ! » Et ça marchait ! Le problème, c'est que In the Wake, le groupe nous relâche dans la nature sans véritable conclusion. Et le sentiment final de l'auditeur après l'écoute de cet album, c'est bazar/bordel/foutoir.


Que faut-il retenir de In The Wake Of Poseidon ? Que le groupe ne parvient pas à se renouveler comme il le voudrait. Les tentatives de refaire ce qui a déjà marché sont très réussies, mais pas autant que sur l'album précédent. C'est un très bon album, la première face mérite à elle seule qu'on écoute l'entièreté. Mais In The Wake fait pâle figure devant son géant grand frère, avec qui la comparaison est obligatoire.

Toholl
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le 6 févr. 2016

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