OK, Rory était une incroyable bête de scène qui nous balançait des performances de blues à haute densité d’électricité, ce que ses albums studio n’ont rendu qu’en partie. Mais ce live légendaire est enregistré chez lui en 1974, en Irlande, à Belfast, Cork et Dublin plus précisément et ça lui donne un supplément d’âme et d’énergie, c’est évident, il faut avoir entendu le public clamer son nom, comme un héros local. La rythmique Gerry McAvoy- Rod De'Ath est hyper solide, et Rory laisse beaucoup de place à son claviériste Lou Martin. Un groupe très soudé et tout au service du leader. Rien à redire, on peut chipoter, ça crache d’enfer ! Quant à la guitare de Rory, elle est constamment majestueuse, qu’elle soit électrique ou acoustique avec bottleneck lors des intermèdes en solo qu’il offrait à chaque concert au public. Et l’intérêt de ce live était alors de proposer pas mal de morceaux inédits comme sur « I wonder who », bel hommage à Muddy Waters ou encore sa superbe reprise de « As the crow flies » de Tony Joe White. Ce dernier, totalement emballé par cette version, avait lui-même félicité Rory. Avec « Just a little bit », c’est une reprise de Rosco Gordon, jolie perle fifties méconnue à laquelle Rory donne une allure totalement fiévreuse. Et puis, il reste les morceaux originaux de Rory et toutes ces versions live, sans exception, sont supérieures aux versions studio : « Cradle Rock », « Tattoo'd Lady » sont des énormités. Il y a là-dedans un feu irrépressible, presque une urgence, inimitable, comme si Rory jouait là sa vie, chaque soir, devant son public, partout dans le monde. Et c’était peut-être bien le cas ! Ce type-là était doué et d’une sincérité à toute épreuve, on entend qu’il vivait, respirait uniquement pour le blues, on ne peut tromper personne à ce niveau. Il me manque terriblement aujourd’hui et je pense ne pas être le seul dans ce cas.