Les rescapés du neo-metal reviennent en 2010 pour leur 9e album, une prouesse pour ces conquérants musicaux qui, entre les heures de gloire et les coups durs et malgré le départ progressif de deux de ses membres capitaux, ont quand même réussi à proposer du neuf et du varié tout en restant bien sûr dans le même univers. Pour moi, chaque album de KoЯn est différent et c'est ça qui est fort chez eux : ils ont su se créer une identité tout en variant le son et en y mettant une touche reconnaissable sur chacun. Voici donc ce 9ème opus, sorte de dernier volet d’une trilogie commencée en 1994 avec KoЯn et Life Is Peachy.


On en vient donc immédiatement au son, ce son qui nous fait faire un bond de quinze ans en arrière. Possédant une certaine qualité obligatoire pour une production 2010, KoЯn III - Remember Who You Are a quand même ce charme désuet qui nous ramène immédiatement aux premiers albums du groupe qui, comme par coïncidence, furent produits par le même producteur qu’aujourd’hui, M. Ross Robinson. L’homme qui a aussi lancé Slipknot et Soulfly laisse ainsi les Californiens contrôler leur nouvelle/ancienne orientation avec une confiance absolue.


Et on retrouve donc nos bons vieux ados de Bakerfield, reproduisant leurs chansons sombres, charmeuses, rythmées et catchy. D’un point de vue d’ensemble, la voix de Jon Davis est toujours aussi torturée, à la fois puissante et langoureuse, les riffs de Munky sont peut-être assez simplistes mais apporte au contraire ce lot de naturel dans un son aussi attirant que déroutant ; on sera par contre ravi de retrouver ce bon vieux slap de basse qui a fait le succès de Fieldy, le musicien retapant avec groove sur son instrument. Derrière la batterie, c’est Ray Luzier qui remplace le grand Terry Bozzio, non sans peine, le drummer restant dans les clous sans proposer de jeu vraiment mémorable.


Remember Who You Are apporte son lot de nouveautés, nouveautés qui ne devraient pas plaire à tout le monde… Les chansons sont en effet nettement moins mémorables, moins formatées «singles MTV», moins accessibles en somme. Ainsi, l’auditeur à l’oreille facile qui recherche en cet album des titres à la "Got the Life", "Falling Away from Me" ou même "Coming Undone" sera forcément déçu. Car cela fait un bail que KoЯn fait ce qui lui plait, quitte à dérouter habilement ses fans. Et il recommence donc de plus belle avec ces chansons variées, ne débordant jamais dans la gaudriole fantasque et les refrains MTV pour ados comme à l’époque. Bien au contraire, les titres s’enchaînent dans une structure exemplaire, sorte de crescendo trompeur baignant dans une ambiance constamment lourde, pesante et atmosphérique.


Ainsi, tout commence par une intro quasi-silencieuse qui, progressivement, amène à une mélodie acoustique, une sombre berceuse nous prenant par la main pour nous entraîner dans ce neuvième opus et plus particulièrement au single "Oildale", titre aussi groovy que mélodique à la basse clinquante et au chant tourmenté. Sans détailler l’album titre par titre, je peux simplement dire qu’aucun n’est à jeter, chacun étant à la fois personnel et différent tout en restant dans la même logique créative. On retiendra donc surtout le déroutant "Lead the Parade" avec son pré-refrain bordélique (aux sonorités de cirque ambulant) et son refrain déchirant, l’immédiatement culte "Are You Ready to Live ?" (un morceau encore une fois déchirant), le génial "Let the Guilt Go" aux riffs assassins et à l’ambiance cinglante ou encore le bonus track "Trapped under the Stairs" narrant le titre de l’album tout droit sorti d’un Follow the Leader de la bonne époque. Le chant de Jonathan Davis, ni en avant ni en retrait, se confond parfaitement à la musique, son timbre gorgé d’émotions reconnaissable entre mille n’ayant pas bronché d’un poil.


Et l’ensemble des morceaux suivants s’enchaîne avec cohérence, se fusionnant les uns aux autres, nous amenant dans un vortex temporel qui nous propulse 15 ans en arrière. Les méchants de service citeront un manque de créativité voire une facilité pour ne pas se fouler ; bien au contraire, le groupe réussit le rare exploit de proposer du vieux son avec du neuf, analysant sa discographie et sa propre évolution, composant avec précision une ode à la nostalgie. Une ode mélodique, s’apparentant très vite à un mélange des trois premiers albums du groupe. Une ode surprenante, atypique, indéniablement à part dans ce que KoЯn a proposé jusqu’alors, un CD plus personnel, sorte de retour en arrière flagrant et bienvenu. Un album que quasiment seuls les fans pourront comprendre tant il s’adresse principalement à eux en particulier. 45 minutes de musique envoûtante et décontractée à (re)découvrir d’urgence.

Créée

le 6 sept. 2019

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