Depuis le début des années 80, la carrière de Lou est chaotique, les abus nombreux et ses albums studio loin d’être convaincants. Alors, bon, pourquoi pas enregistrer un album en concert ? Le Sieur Reed possède alors un sacré répertoire (en solo ou avec le Velvet) même si ça fait quelques années qu’il n’a rien sorti de passionnant (« Coney Island Baby » ???). C’est vite fait et puis, ça fait toujours plaisir aux vieux fans qui se désespèrent de ses albums récents. Si l’on n’est plus capable d’écrire l’équivalent de « Walk On The Wild Side », pourquoi ne pas en proposer une nouvelle version ? Cela a l’avantage de plaire au plus grand nombre. Mais voilà, Lou sur scène était pour le moins inégal, capable de fulgurances et de provocations incendiaires (« Rock’n’roll Animal » !) ou de concerts ennuyeux à l’extrême (souvent soyons honnête), à peine concerné par ce qui se passait et enchaînant les morceaux les uns les autres de façon hautaine. Les 2 fois où je l’ai vu sur scène, j’ai eu droit à ces 2 visages et c’était un peu pénible, même si les morceaux étaient légendaires.
Ce live enregistré à Vérone le 7 septembre 83 et à Rome (dans les ruines antiques du Circus Maximus) le 10 septembre m’a toujours laissé dubitatif. Point positif : l’énergie assez brute qui se dégage du groupe formé autour de Lou. On y retrouve le véritable atout de ce live, l’excellent Robert Quine à la guitare, balançant riff sur riff sans jamais tomber dans la démonstration gratuite, un jeu de guitare précis et acéré. Avec lui, Fernando Saunders est à la guitare basse et Fred Maher à la batterie. Une formule simple mais efficace. Sauf que, en coulisses, les relations entre Quine et Reed sont très conflictuelles, ce dernier ayant tendance à dicter ses conditions sans discussion. Et c’est peut-être ce qui sauve ce live d’un vrai désastre, l’affrontement se poursuit sur scène, chacun ayant sa guitare à la main, donnant de vrais duels guitaristiques sans qu’ils s’attardent (heureusement) mais filant un vrai coup de fouet. Les meilleurs morceaux sont envoyés pied au plancher (« White Light/ White Heat », « Kill your sons » un des meilleurs moments de l’album…). Recruté pour The Blue Mask en 82, Quine part du groupe avant la sortie de «Legendary Hearts » l’année suivante à cause des conflits avec Lou. Ce dernier toujours magnanime et sympathique, a mixé ou entièrement supprimé la plupart des parties de guitare de Quine sur « Legendary Hearts ». Quine a affirmé que lorsqu'il a reçu sa copie préliminaire de l'album, il en a été tellement dégoûté qu'il a brisé la cassette en « miettes » avec un marteau ! Il n’a accepté de faire la tournée mondiale 83 que pour des raisons financières. Voilà qui explique une ambiance particulièrement délétère sur et hors de scène. Paradoxalement, c’est ici un atout, ce côté "tensions-réactions" donnant une vraie dynamique au concert (est-ce pour autant suffisant???). Quine a définitivement quitté Reed en 84.
Au rayon des points négatifs : la voix de Lou souvent médiocre, ne forçant pas son talent vocalement comme si c’était le cadet de ses soucis. Des morceaux récents, comme « Martial Law » ou « Average Guy », respectivement tirés de Legendary Hearts et The Blue Mask, tiennent plutôt bien la route, à condition de n'être pas trop attentif à la très médiocre qualité des textes. On est loin des histoires tragiques, désespérées de « Berlin », cette poésie sombre qui venait de la rue et pour laquelle on ne remerciera jamais assez Lou, désolé… Certains morceaux s’étirent inutilement comme le medley « Some Kinda Love/Sister Ray », plus de 15 mn c’est franchement longuet et là, l’ennui arrive. Un live sans grand risque puisqu’il y aligne la plupart de ses plus grands succès, sans relief, il fait honnêtement le job, de là à être renversé, on en est loin : « Sweet Jane », « I’m Waiting for The Man », "White Light/White Heat", « Walk On The Wild Side », « Heroin », « Rock And Roll », occupent près de la moitié du disque ! Aucune de ces versions n’arrive bien sûr à la cheville des originaux.
Un live pas si désagréable que ça mais qui ne nous fera pas oublier le « Rock’n’roll Animal », autrement plus radical et qui préfigurait le punk avec quelques années d’avance. Les critiques avaient été très majoritairement positives voire dithyrambiques à la sortie de ce « Live in Italy », la médiocrité de ce que Lou sortait depuis plusieurs années étant peut-être une explication plausible. Mais il n’a pas vraiment tenu l’épreuve du temps. Il va falloir laisser passer les funestes années 80, comme beaucoup d’artistes de sa génération (Dylan, Neil Young…) pour le voir revenir en 89 brillamment avec un nouveau chef d’œuvre, « New York ». Le grand Lou était de retour et ce coup-là, il était vraiment en forme !