Sur l'album, il y avait un petit sticker qui précisait que l'album avait été enregistré en trois semaines à San Francisco, que ses influences étaient les Rolling Stones, Bob Dylan et Neil Young, mais surtout que cet album était conçu comme "un roman favori, qui doit devenir écorné et sale à l'usage".
Donc l'ambition n'est pas de faire un chef-d'oeuvre, quelque chose de parfait, mais un disque qui se réécoute de manière perpétuelle, et qui ne mérite pas un 10, mais qu'on préférerait à Ok Computer pour aller sur une île déserte.
Donc pas besoin d'innovations majeures, de petits tours de magie ou de folie débridée comme sur les autres albums d'Of Montreal : pas une seule chanson ne dépasse les 6 minutes (rarissime), pas dix couches de synthétiseur, pas 8 harmonies vocales montées à l'envers.
Sur les standards de précédents albums, ça fait de "Lousy" un vide interstellaire, un à-côté notable dans TOUTE l'histoire du groupe (excepté "Cherry Peel", tous les autres albums avaient une part énorme de bricolage sonore ou conceptuel).
Mais c'est, comme le voulait sans doute Kevin Barnes, un disque qui correspondrait au San Francisco de 1967 (au premier abord) : harmonies, pedal steel bien en évidence, révérence au folk et à la country intégrés au rock électrique et ses habitus.
Toutefois, dès qu'on écoute les paroles, c'est bel et bien un album d'Of Montreal : "Ta mère s'est pendue au National Theater/Alors qu'elle était enceinte de quatre mois de ta soeur/Qui aurait eu treize ans aujourd'hui/Est-ce que ça te fait te sentir moins seule au monde ?"...
C'est le mélange d'une esthétique qui se veut rétro (mais qui à mon sens, l'est relativement peu, exception faite de "Belle Glade Missionnaries") et d'un contenu contemporain en diable, à base d'aliénation, de sentiment de solitude et de dégoût du monde réel (qui prennent à contre-pied l'optimisme, l'espoir des modèles que Barnes prétend imiter).
Et c'est ce mélange qui fait de cet album un objet unique, que je n'ai pu m'empêcher d'écouter encore et encore et encore, parce qu'en plus d'être étonnant, les mélodies sont entraînantes et fascinantes, tout comme l'instrumentation, les harmonies, et les paroles qui pétillent d'une intelligence (très) sinistre, mais qui ne choquera personne qui a déjà entendu un album d'Of Montreal.