Oh la la, le contraste est pour le moins brutal. J’ai en effet écouté cet album juste après « Easy Action » et il n’y a aucune comparaison ! Les deux premiers albums du groupe avaient été des échecs commerciaux autant qu’artistiques : on sentait un groupe au fort potentiel, un leader, Vincent Furnier, charismatique au possible mais le groupe partait dans trop de directions pour convaincre. « Love it to death » est sorti 10 mois seulement après son prédécesseur (début 1971) mais c’est le jour et la nuit ! C’est plus qu’un changement, c’est un véritable bouleversement car cette fois-ci, ça y est, le groupe a trouvé LE son qui va le caractériser et qui n’a plus quitté Alice jusqu’à aujourd’hui : fini le rock volontiers psychédélique sous acides des débuts et vive le rock brutal, sombre et théâtral. Bob Ezrin devient le producteur du groupe et cette arrivée apporte une vraie direction et de nouvelles idées aux morceaux. Même la voix de Vincent est bien plus agressive, hargneuse et inquiétante sur fond de guitares tranchantes, on l’entend d’entrée dans « Caught in a dream » qui ouvre l’album. À tel point qu’on n’a plus l’impression d’avoir affaire au même groupe.
Les compositions sont bien plus solides, plus carrées, mieux écrites tout simplement, allant à l’essentiel avec le tube « I’m Eighteen » qui reste en 2025 un incontournable d’Alice sur scène. "Longway To Go", et "Is It My Body" envoient aussi du lourd, directs et sans fioriture, héritiers du rock garage de la fin des sixties. Du (très) costaud à défaut d’être révolutionnaire (Alice n’entend de toute façon pas l’être). La pièce maîtresse de l’album s’éloigne du format « chanson » et nous embarque en 9 mn dans une ambiance bien plus glauque : « Black Juju » propose un long crescendo dans une atmosphère macabre, illustrant à la perfection le rituel vaudou consacré au réveil d’un cadavre. La suite "Second Coming"/ "Ballad Of Dwight Fry" (3 et 6 mn 30 respectivement) est aussi un gros morceau, toujours joué en 2025. Alice Cooper a su trouver à partir de là la bonne formule, avec l’aide très précieuse d’Ezrin, celle qui s’appuie sur les classiques sixties (Doors, Stones…) tout en apportant une grande part de dramaturgie provocatrice et de théâtralité grand-guignolesque qui va être sa marque de fabrique. Ezrin a permis de transcender certains morceaux comme « Ballad of Dwight Fry » avec l’apport de nombreux arrangements. Même l’illustration originale de « Love It To Death », à savoir une photo du groupe en noir et blanc, a provoqué une polémique, car le pouce de la main droite de Vincent était assimilable à un pénis ! Mais cette illustration a été immédiatement censurée par Warner, avec qui le groupe venait de signer, par le recouvrement de la main droite de Furnier par la cape –version actuelle. Quoiqu’il en soit, le groupe a frappé fort en cette année 1971 et l’essai sera transformé dès l’opus suivant, un certain « Killer ». L’histoire était en marche.