Le salon où l'on ose : (((vibrations))) : les musiques physiques (6)

Voici les différents comptes-rendus des membres du "Salon où l'on ose" sur cet album sélectionné par heudé2 pour illustrer le thème "(((vibrations))) : les musiques physiques"
https://www.senscritique.com/liste/LE_SALON_OU_L_ON_OSE_Liste_participative_n_1_vibrations_les/1804858


Ça ne va pas être bien original mais si je dois choisir un album vibrant qui me fait vibrer, avec des parenthèses et tout, je choisirais un groupe à parenthèse, à savoir Sunn O))), et leur album le plus accessible, car je ne suis pas un monstre, à savoir Monoliths And Dimensions.


C'est sans doute l'un des premiers albums qui n'avait plus rien de mélodique, et pourtant tout de sonore, qu'il m'ait été donné d'écouter. Il faut dire que ce son là, par excellence, s'écoute avec la peau plus qu'avec les oreilles. Et pour cela, pas besoin de pousser les enceintes à fond et d'emmerder son voisin. Pour une raison que j'ai du mal à expliquer, ça fonctionne tout autant à merveille lors d'une écoute au casque. Comme si cet album n'était pas épidermique simplement parce que les basses en font vibrer les murs, mais parce qu'elle a dans sa composition, et son interprétation, quelque chose de profondément interne, sismique, viscéral...


C'est peut-être parce que Sunn O))) emprunte au metal, et en particulier à son sous-genre le plus viscéral : le black. L'ambiance et les thématiques sont en référence directe à celles du black. Elles en appellent à quelque chose d'ancien, de naturel voire sylvain, mais aussi d'introverti. Quelque chose de mystique et pourtant athée. Sauf que là où le black est une forêt enneigée, la musique de Sunn O))) est, il n'y a pas besoin d'aller chercher bien loin, un monolithe. C'est sans doute du à la composante doom metal, l'autre terreau dans lequel s'enracine le son de Sunn O))). Et quoi de plus physique, de plus tactile, de plus présent qu'un gros bloc de roche.


Le roc(k) est finalement bel et bien là lui aussi, mais seulement par son élément le plus primaire (et primal) : la guitare électrique, dont les riffs se retrouvent réduits à de longues notes tenues. Le larsen de fin de set, sans doute le moment le plus intense d'un concert, ici prolongé sur la longueur d'un album.


Mais Monoliths And Dimensions, je l'ai dit plus haut, est l'album le plus accessible de Sunn O))). Cela se fait par des ajouts tous simples, qui ne privent pas les vibrations de leur statut de maîtresses de cérémonie : on trouvera ici chœurs et orgues, qui donnent à la pièce ses allures de messes noire, mais également des cordes et des cuivres, pour la composante impie, qui achèvent ce disque en un hommage à Alice Coltrane. Le bruit n'est alors plus une nuisance mais une ambiance, sur laquelle est couchée une histoire lente, constituée de plus de sensations que de péripéties, mais une histoire tout de même, qui tiendra en haleine même si on a encore un peu de mal avec l'expérimentation.


Si l'on parle de musique d'ambiance, alors peut-être faut il un décor idéal à illustrer, pour pouvoir pleinement apprécier cet album. J'ai eu la chance d'avoir droit à une éclipse de lune le jour de ma découverte. Si vous n'avez pas cela sous la main, vous pouvez toujours essayer de vous promener de nuit dans les bois. Faites tout de même attention aux chasseurs.
(heudé2)


D'emblée une ambiance lourde, un son profond, lancinant à la guitare, intro de plus de 5 minutes qui débouche sur cette voix d'outre-tombe récitant un texte certainement pas joyeux, qu'il m'a été personnellement un peu difficile à comprendre. Tension de plus en plus forte, toute en retenue.


L'ambiance est de plus en plus pesante et c'est après ce long morceau de plus de 17 minutes que la délivrance tant attendue viendra avec le second morceau intitulé "Big Church [megszentségtelenithetetlenségeskedéseitekért]", rien que ça ! Cela commence par des voix aériennes, presqu'angéliques directement surmontées d'une guitare écrasante, les voix s'entremêlant à cette guitare, on assiste ensuite à une sorte d'incantation interrompue par un son de cloche pour poursuivre cette sombre avancée à la guitare et aux voix de plus en plus élevées, messe noire ? diabolique ? Il ne faut pas perdre de vue que l'on est ici dans du black metal ! L'incantation se poursuit, deuxième son de cloche et poursuite à la guitare, et toujours ces voix s'élevant progressivement, choeur de voix célestes se poursuivant par cette incantation diabolique ...


On peut passer au troisième morceau qui débute sur un grésillement pour déboucher sur un son toujours tout en retenue, ambiance des plus sombres et pesante grâce à cette guitare saturée omniprésente ... elle est finalement le fil conducteur de cet album.


Le morceau final intitulé "Alice" se veut être plus atmosphérique et ambiant, mais toujours dans le dark ambient, bien sûr. Finalement un album basé sur la lançinance et la retenue.
(PiotrAakoun)

PiotrAakoun

Écrit par

Critique lue 184 fois

3

D'autres avis sur Monoliths & Dimensions

Monoliths & Dimensions
JZD
2

Monoliths & Dissensions.

(((Aaaah ! Je fonds, je le sens ! A l'intérieur de moi ! J'ai l'impression d'être broyé entre les pierres d'une église malsaine et gothique en construction ; et il y a ces machines horribles qui sont...

le 26 mars 2013

17 j'aime

5

Monoliths & Dimensions
BiFiBi
7

Monolithes en mouvement

"Monoliths & Dimensions" est probablement le magnum opus de Sunn O))). Bien que le groupe ait exploré les expérimentations pionnières de guitares drone de Dylan Carlson (du groupe Earth) et de Joe...

le 29 mars 2013

16 j'aime

Monoliths & Dimensions
Adobtard
1

Un p'tit cachou, Karpov ?

Désolé mon vieux Shuffie, hein, au début je me disais que je pouvais y aller, puis là, je vais commencer à avoir l'impression d'enfoncer des portes ouvertes, tirer sur des ambulances, ou que sais-je,...

le 26 mars 2013

14 j'aime

12

Du même critique

Paris, Texas
PiotrAakoun
10

Critique de Paris, Texas par PiotrAakoun

Ce film représente quelque chose de très particulier pour moi ... je l'ai vu à sa sortie en salles en 1984 et il m'a directement interpellé, je n'avais que 22 ans à l'époque et je ne pense pas que...

le 25 janv. 2015

55 j'aime

20

Voyage au bout de l'enfer
PiotrAakoun
8

Critique de Voyage au bout de l'enfer par PiotrAakoun

Film très ancré dans son époque et surtout très américain dans sa conception, il présente à mes yeux autant de qualités que de défauts. Il peut autant plaire ou agacer pour les mêmes raisons. Le...

le 3 févr. 2013

47 j'aime

20

Barberousse
PiotrAakoun
9

Critique de Barberousse par PiotrAakoun

J'ai pris beaucoup de plaisir à revoir ce chef d'oeuvre de Kurosawa en tentant d'analyser tout ce qui m'a plu ... D'abord du point de vue esthétique, les cadrages sont par moments géniaux : à ras du...

le 3 mars 2013

39 j'aime

4