NASIR
6.7
NASIR

Album de Nas (2018)

“I promised Obama Ima do beats on NAS’ next album…” ce tweet daté du 15 mars 2016, depuis disparu dans les limbes de l’internet nous a été offert par Kanye en personne. De belles paroles immédiatement relativisées tant les arlésiennes sont légion dans le milieu du Hip Hop (Oui, des gens attendent toujours le projet collaboratif entre Nas et DJ Premier). Pourtant deux ans plus tard, la promesse devient réalité, et ça tombe bien tant les apparitions de l’enfant prodige du Queens se faisaient rare depuis son dernier album en 2012 (6ans déjà). Pourtant Nasir est loin d’être le projet ultime de son auteur, tout juste un petit plaisir (22min c’est criminel) destiné à faire perdurer la légende dans le cœur des fans. A ce titre Life is good et ses grands élans de nostalgie était bien plus pertinent dans le rôle d’album testament mais qu’importe The King is Back.


Nas n’a jamais confié l’entière production d’un album à un seul homme auparavant, pour autant l’association avec Mr West n’est pas sans potentiel si on se remémore les précédentes collaborations entre les deux artistes. La plus marquante sur la magistrale We Major (Late Registration), la moins connue sur Poppa was a playa (The Lost Tapes) pour laquelle Kanye ne sera malheureusement même pas crédité, les plus soulful sur la sympathique Still Dreaming et l’excellente Let There be Light (Hip Hop is Dead), et j’en oublie certainement d’autres. A noter aussi que Ye produit la polémique Takeover de Jay-z qui n’est qu’autre que la célèbre diss track pour laquelle Mr Carter sera bien entendu punit comme il se doit. Bien sûr, tout ça c’est du passé et si Nas semble complètement immunisé aux ravages du temps, le cas de Kanye est forcément plus délicat. Perdu entre son égo démesuré, sa bipolarité naissante, son addiction aux opiacés, ses velléités politiques ridicules, ses défilés de modes, sa libido incessante, ses problèmes familiaux, et j’en passe des meilleures… Yeezy est aujourd’hui capable d’éclats de génie comme de sombres infamies (A vous de déterminer quelle catégorie est la plus représentée).


Sa nouvelle lubie le 7, chiffre porte-bonheur, symbolisme religieux ou énième stratégie marketing capillotracté peu importe, la conséquence est la même : un contenu trop modeste pour ne pas être frustrant. Nas tente quand même de mettre à profit ce chiffre 7 avec la thématique des sept péchés capitaux qui donne une nouvelle lecture au projet sans pour autant l’élever aux sommets lyricaux autrefois effleurés.


Not for Radio pour l’orgueil (Pride), intro explosive portée par les chœurs de Poledouris (Hymn of the Red October) et les beuglements de la nouvelle signature GOOD Music miss 070Shake. A peine lancé qu’il tire déjà sur tout ce qui bouge, les fans de Nas apprécieront, les radios beaucoup moins.


Cops shot the Kid pour la colère (Wrath) dont le titre se veut suffisamment explicite. Un peech introductif de Richard Pryor (décidément l’humoriste le plus samplé du hip hop américain), puis un énorme sample de Slick Rick qui au choix, donnera une portée supplémentaire au discours ou vous donnera une migraine jusqu’à la fin de l’album.


White Label pour la gourmandise (Gluttony) “And the odds is that what you love can kill you, Like a heart physician who dies from a heart attack”. Notons au passage un sample plutôt drôle issu d’une compilation de Persian Funk (Yes, it’s a thing).


Bonjour pour la luxure (Lust), car c’est bien connu les rappeurs aiment jouir des petits plaisir de la vie. Une des tracks les plus incongrue de la carrière de Nas (Avec Dr Knockboot évidemment), qui s’essaye avec enthousiasme au Français avec notamment le déjà culte “Laissez le bon temps rouler” (A lire avec l’accent américain).


Everything pour l’avidité (Greed), dans une ambiance très 808s qui fonctionne plutôt bien avec un Kanye qui en profite pour se coller au refrain.


Adam and Eve pour la paresse (Sloth), directement reconnaissable avec ce sample aussi génial qu’improbable d’une chanson iranienne des années 70. Récit de la routine d’un rappeur millionnaire, entre sexe, cigare cubain et foie gras, pour une track qu’on aurait pu qualifier de paresseuse lyricalement si ce n’était pas directement lié au thème.


Simple Things pour l’envie (Envy), remarquée pour son “Never sold a record for the beat, it's my verses they purchase, without production I'm worthless but I'm more than the surface”. Peut-on y voir une confession à demi-mot d’un Nas qui admet avoir commis des fautes de goûts par le passé ? Peu importe l’absolution est totale. Toujours est-il que cet album ne déroge pas à ses dires, avec des productions minimalistes visant à faire briller le MC. L’air frais du Wyoming a visiblement fait du bien au cerveau malade de Kanye, qui est à crédité d’un excellent travail avec une ambiance travaillée et un panel de samples inspirés dont lui seul à le secret.


Un mot sur la cover pour finir, véritable cliché utilisé par un journaliste pour dénoncer les conditions de vie dans les quartiers défavorisés. Esthétique et engagé, le fond et la forme, pas une surprise avec Nas dont on regrettera quand même le manque de verve et de profondeur dans son discours. Il ajoutera au sujet de celle-ci sur Twitter " The Kids Are Our Future ", on ne peut lui donner tort, et tandis que la légende de Nasty Nas s’approche peu à peu de son terminus, on ne peut que souhaiter bonne chance à tous ceux qui voudront un jour prendre sa succession.

LeMalin
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le 19 juin 2018

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