Un des meilleurs album de JJ Cale
Tout est dans le titre... Un gros feeling dans cet album, des arrangements minimalistes et des notes peu nombreuses mais qui tombent juste et font mouches. Du très grand Cale.
le 21 mars 2015
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Quand on met le disque sur le pick-up en 1972, on entend un gars qui murmure et puis pour la première fois dans l’histoire de la musique une boîte à rythmes (ça coûte moins cher qu’un batteur et JJ n’a pas un rond devant lui à l’époque), ici réduite à sa plus simple expression, un genre de métronome amélioré, un tchak-poum d’homme des cavernes. Sur ce squelette rythmique un tapis moelleux vient faire nerf, muscle, gras et peau. C’est beau, bien arrangé et entraînant. La voix interpelle, loin des standards de l’époque. Ici, on a un gars au registre manifestement peu étendu, qui chantonne et murmure, à croire qu’on a embauché le premier pécore venu qui passait dans la rue. La guitare surprend aussi. Là encore, on est loin du guitar-hero qui se polit le manche à la vitesse du son. C’est beaucoup plus fin, plus relax et détendu. Voyez-vous ça, un soli de guitare détendu ? Et puis, on a à peine le temps de s’enjailler que le morceau se termine en fade out, comme beaucoup d’autres sur cette galette. C’est plutôt bon signe. Idéalement, la musique ne devrait jamais s’arrêter et tourner en boucle sans jamais lasser. Une fade out est souvent le signe d’un bon morceau que les musiciens terminent à contre-coeur. Mais qui est donc ce bougre ?
Quand il sort ce scud, JJ à 34 ans. Cela fait une quinzaine d’année qu’il est dans le métier (son premier 45tr date de 1958). Il écume les bars entre Tulsa, son fief, et Los Angeles, là où on part pour percer dans le milieu ou plus sûrement se planter et revenir ensuite la queue entre les jambes. Il hante aussi les studios car le bonhomme a plus d’une flèche à son arc : il est aussi ingénieur du son. A ces heures perdues, il compose et chante de cette voix maladivement nonchalante des chansons comme par exemple After Midnight en 1966. Cette chanson tape dans l’oreille d’un certain Clapton qui la reprend et en fait un tube en 1970. Les royalties de la chanson permettront longtemps à JJ de survivre. Autre retombée, elle lui ouvre la possibilité de faire un album. Et donc le bonhomme se met au boulot. La collection de chansons de cet album est le fruit d’une longue maturation depuis le début de sa carrière. Le bonhomme est au point, bien cuit, bien tanné par la vie de saltimbanque et les vaches maigres, ce n’est plus un jeune blanc-bec avec du lait qui lui sort du pif quand on appuie dessus, il connaît son affaire. Il a l’oreille et des goûts surs, à commencer par ses amis musiciens. Pour le béotien, leurs noms ne diront rien et pourtant tous sur cette galette brillent par leur jeu sobre et bienvenu, les étalages de virtuose n’ont pas leur place ici. Cuivres, basse, fiddle, batterie, JJ fait sa soupe avec tout ça et c’est ragoûtant pour nos oreilles.
Harmoniquement, les chansons sont dignes d’un enfant de 7 ans mais ce n’est pas là la question. Nul besoin de progression tarabiscotée pour que cela sonne et reste planté comme une graine dans notre glande pinéale, prête à germer à tout moment, bien après l’écoute, comme un virus auditif entêtant. En revanche, au niveau des arrangements, c’est du grand art, surtout quand on pense aux bricolages de JJ imposés par un budget quasi inexistant. C’est un album à écouter au casque pour en saisir toutes les subtilités (avez-vous entendu l’orgue sur Don’t go to strangers?)
Et puis il y a Magnolia et ces accords de septième majeur. Quand on me dit accords de septième majeur, je pense à Magniola. Ça me fout les poils. Les larmes ne sont plus loin tellement c’est beau, tellement c’est subtil, fin, habile dans le bon sens du terme. JJ Cale, artisan plutôt qu’artiste. Voilà à quoi peut servir l’art : dire l’amour quand les mots sont impuissants.
Enfin, il y a la guitare de JJ (et quelle guitare, bricolé et rafistolé mille fois par le bonhomme) et son touché si subtil, idiosyncratique, hors des modes.
Cet album est fait de bric et de broc, improbable par un chanteur improbable mais le miracle est là, entre nos deux oreilles.
Mais qui est JJ Cale ? Un auteur-compositeur : oui, un arrangeur : oui, un ingénieur du son : oui, un chanteur au style inimitable : oui, un guitariste inclassable qui à lui tout seul invente un style (le laid-back) : oui.
Sous son air de ne pas y toucher, sous son allure de redneck branleur, à l’antithèse du cliché rockstar poseur, on a ici un bonhomme qui cache bien son jeu et nous offre de quoi réjouir nos esgourdes pour longtemps.
Créée
le 13 avr. 2025
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