Premier album solo de Rupert et premier de ces deux chefs-d'œuvre. Composé avec son complice David Macciver qui s'avérera manquant sur les albums des années 80. Pick-Up a Bone est un petit bijou avec le grand orchestrateur et violoncelliste Paul Buckmaster (Elton John, Shawn Phillips etc.) et des musiciens comme Simon Jeffes (Caravan), le magnifique Peter Robinson ( Quatermass, Shawn Phillips) et des requins de studio comme Barry de Souza au drum (Quatermass, Shawn Phillips) et même Roger Glover de Deep Purple au tambourin et comme producteur.(pour son premier disque sur sa compagnie Purple 1971)
L'album s'ouvre sur les guitares acoustiques de Jeffes et de superbes violons. Oui Landcape est une ouverture merveilleuse qui nous enchante. Faisant admirablement suite avec la pochette fascinante. On est plongé dans un morceau d'une subtilité musicale et une richesse étonnante. Paul Buckmaster y est pour beaucoup. Le talent déborde de partout et le texte a ce charme merveilleux des 70's.“ Dit bleu, dis que tu te sens comme la mer juste pour aujourd'hui, dis bleu, dis que tu veux t' enfuir...” Magique ! On a un feeling de champignons magiques sans en prendre.
Ass All enchaîne, ça bouge. Entre les guitares acoustiques et le piano très Eltonien, les synthés et les violons qui se mettent à rocker, on jouit. pas très loin du son de Mad Man Across the Water, et dans le traitement des cordes, et de la voix. Bien sûr la cause en est Paul Buckmaster (premier arrangeur d'Elton à l'époque et son plus grand). Un petit bijou plein d'effets studio . Le jam de la fin, on en redemande.
Me You Mine est une merveilleuse chanson d'amour, petite ballade délicate où tous les instruments sont traités avec une légèreté fraîche jusqu'à l'envol de la voix et son : “Dibabadada” pas très loin d'Un Homme et une Femme de Lelouch . Mais la symphonie discrète reprend ses droits avec ses cordes et sa délicatesse toute British. Une perle très “beatlesque” finalement dans l'esprit. La joie est au rendez-vous. On pense, pour l'esprit, aussi à un titre comme Sunshine sur Fool's Mate de Peter Hammill.
Scarecrow (l'épouvantail) est un morceau absolument magnifique! les sonorités espagnoles de la guitare secondent parfaitement le texte profond de Rupert. On est captivé par la voix aussi et quand les violons de Buckmaster s'élèvent , on est conquis. On retrouve ici une parenté frappante avec l'album Collaboration de Shawn Phillips auquel Buckmaster insuffla son génie ! Ce morceau s'élève vers un crescendo discret totalement envoûtant. On est pas loin non plus de Trespass de Genesis. Je vous met s au défi de ne pas voir un lien de parenté avec les guitares d'Anthony Phillips.
L'ouverture de Kerosene sonne totalement Zappa qui aurait couché avec Grimms (ses coin-coin sont le lien) . Big band, guitare, voix rushés, orchestre lancinante avec ses violons...on dérape ici vers une folie très contrôlée. Les claviers de Peter Robinson nous rappellent l'album Furthermore de Shawn Phillips...d'ailleurs cette chanson irait très bien sur cet album. Le progressif frappe mais le boogie reprend...Un melting-pot totalement réussit jusqu'au délire final de l'improvisation très caractéristique des 70's. Og God you drop me mad !
Après toute cette folie, l'harmonica entame Running away. Très blues et puis très “Kevin Ayers Joy of a Toy” la vie est le fun et l'intérieur de la pochette, complètement folle , est reflétée dans ce morceau. Une joie sans prétention et vraiment bien ficelée! Le jam piano-basse est magnifique, oui nous avons le goût de nous enfuir, on ne sait où ? et c'est trop loin ...On tape du pied, on chantonne, on sifflote. Décidément Rupert peut aller dans bien des directions avec une grâce et un feeling étonnant. La joie de l'harmonica, en finale, est délicieux...
Medicine Munday reflète tout le spirit des 70's et c'est hallucinant. David Macciver raconte que Peter Robinson a écrit les arrangements des cordes, Paul Buckmaster la rythmique des arrangements et que les sons en arrière -plan sont ceux d'un repas qu'ils ont enregistrés, mixés et où le dit repas se termina en cassant toute la vaisselle ! Juste génial ! le morceau fonctionne admirablement bien. Eating is fun indeed!
Après tout ce délire More than one less than five s'élève doucement avec la voix paisible de Rupert et une guitare acoustique dépouillée mais oh combien belle. Un morceau qu'on imagine bien au coin d'un feu dans une nuit étoilée. Et quand les violons se mettent à briller dans la nuit, le ciel des aurores boréales s'illuminent. À la fin les flutes très “crimsonniennes” révèlent toute la beauté pénétrante du morceau.
Boo Boo's Faux Pas nous sort de la lampe d'Aladin du morceau précédent. Tout en douceur, tranquillement ébréché par un doux saxophone, on se laisse envahir encore par cette joie que porte Rupert. On pourrait penser ici au premier Harmonium par l'esprit de cette joie. Ce morceau est un une petite merveille et “ i will admit it's a fact” les clochettes sur la contrebasse, le sax répétitif, les vocalises de Rupert sont a des petites perles et on est loin d'un faux pas.On a droit a un super jam sur le dernier 3 minutes... et on en redemande!
Et voici le morceau titre: Pick up a bone . Une guitare électrique étrange, pleine d'humour (parenté avec Grimms encore) sur laquelle s'élève la voix en sourire de Rupert et le sifflement heureux d'un inconnu. Une autre parenté avec Kevin Ayers ici.... Comme on Pick Up a Bone... et c'est un délire magique !
L'album se clôt avec le même son qu'au début, la même chanson en reprise, étrange, évaporée la voix c'est la muse instantanée qui surgit et une joie enfantine naît...
Another time another space...1971 à son apogée...
Pick-up a Bone est un chef d'œuvre , ramassez-le vite , grugez-le comme un chien fou !
PS: la réédition CD a un titre bonus: The Monk...le titre est très bon mais aurait mérité une autre place sur l'album. Elle vient un peu déranger la superbe finale éthérée de l'album. Restez-en à Instant Muse si vous pouvez ! (l'album allemand sur Line Records n'a pas ce bonus et finalement c'est tant mieux)
PS:2 Toute cette parenté avec Kevin Ayers annonce dans quelques années(1974) la production de: Confessions of Dr. Dream de Kevin Ayers par Rupert... Les grands esprits se rencontrent...