Plastic Beach
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Plastic Beach

Album de Gorillaz (2010)

Le plastique, c'est beau quand on fait quelque chose avec...

Fiouuuuuuu.


J'ai récemment été pris d'une crise de nostalgie en regardant mes vieilles critiques sur ce site et ce, alors que je regardais une FAQ du Fossoyeur de Films. La vie est parfois bizarre, n'est-ce pas ? Quoi qu'il en soit, pourquoi pas repartir, comme en 2017, sur un bon vieux Gorillaz ?


Je vous le dis tout de suite : "Plastic Beach", je l'ai écouté il y a quand même assez longtemps, y'a 1 an et demi et, depuis tout ce temps, je me suis un peu plus élargi dans mes goûts, je me suis tourné vers des sonorités plus dures et/ou encore plus mélodieuses et, sans toutefois abandonner le groupe, j'ai un peu moins écouté ce que sortait Gorillaz. Pour preuve, j'ai un CD de "The Now Now" posé dans ma chambre que j'ai, pour l'heure, jamais écouté. Néanmoins, je resterai toujours reconnaissant envers Gorillaz et envers Damon Albarn, en général.


Parce que ma passion pour la musique n'aurait pas éclos sans eux. Avant d'écouter le groupe, je restais dans ce schéma de juste écouter les merdes pseudo-electro qui passaient sur Fun Radio pour me lever le matin puis ensuite écouter distraitement les merdes pseudo-rap ou pseudo-electro qui passaient à la télé (même si on avait l'excellente chaîne allemande Rock TV, défunte depuis plusieurs années, pour contrebalancer... quel dommage, d'ailleurs, que toutes ces musiques ne m'aient pas charmé plus tôt, je savais vraiment pas ce que je ratais). Et puis, je suis tombé distraitement sur Gorillaz. Et là, la grosse claque dans la gueule. Comme si Damon, Jamie Hewlett et leurs personnages de dessin animé étaient sortis de mon ordinateur/ma tablette, m'avaient foutu leurs poings dans la gueule et m'avaient dit "Arrête d'écouter tes trucs à la con, on va te montrer ce que c'est, la musique".


Et c'était absolument dément. Et ça l'est toujours. Même si je fais cette chronique en me basant sur mes souvenirs de 2017-2018, je peux vous assurer que "Plastic Beach", pourtant un peu sous-estimé quand on le compare à "Demon Days", est un sommet dans la carrière de Gorillaz, probablement leur meilleur album.


Déjà, le chant. Déjà, avec "Demon Days", on sentait la tendance poindre, ça se confirme avec "Plastic Beach" : Damon (qui est, comme d'habitude, un très bon chanteur et c'est fou de voir à quel point sa voix est restée "préservée" de pas mal de trucs qui auraient pu l’abîmer) laisse pas mal de place aux autres, avec énormément d'invités. J'ai pu lire ça et là que "Plastic Beach" était sous très forte influence hip-hop et c'est vrai : Snoop Dogg (toujours aussi nonchalant et détendu), Bashy & Kano (qui livrent une très sympathique performance sur "White Flag"), Mos Def, les vieux complices De La Soul (avec un "Superfast Jellyfish" encore plus nawak que "Feel Good Inc")... voilà, juste ça, ça vous donne une idée.


Mais ce que je dirai en plus, et que vous n'avez peut-être pas remarqué, c'est que "Plastic Beach" est aussi l'album le plus marqué par l'empreinte du rock et de la musique orchestrale, avec d'un côté le duo Mick Jones-Paul Simonon (la moitié des Clash, en gros), Gruff Rhys (des Super Furry Animals, qui est aussi sur "Superfast Jellyfish"), Mark E. Smith (décédé il y a quelques années et qui était le grand manitou de The Fall, considéré comme un groupe culte du post-punk) ou encore l'immense Lou Reed (dont la performance vocale sur "Some Kind of Nature" m'a filé des frissons les premières fois que j'ai entendu la chanson). Et de l'autre côté, Hypnotic Brass Ensemble, sinfonia VIVA ou encore le Lebanese National Orchestra for Oriental Arabic Music, qui sont sur cet album des gros pourvoyeurs en superbes mélodies.


Et les mélodies, parlons-en. J'avais pu dire au sujet des précédents albums de Gorillaz que chaque chanson ne ressemblait jamais à une autre, qu'à chaque fois qu'une chanson commençait, vous pouviez vous attendre à tout sauf à une redite de la précédente. C'est toujours vrai sur "Plastic Beach" mais un peu moins (surtout par rapport au fait que l'électronique devient bien plus présente à partir de cet album) dans le sens où le groupe perd en diversité ce qu'il gagne en cohérence. Je m'explique.


Comme vous le savez peut-être, toutes les sorties autour de Gorillaz durant des périodes précises se découpent en "Phases" (actuellement, on en a 5 qui ont été nommées et "Plastic Beach" incarne la Phase 3 de la vie du groupe) et, en plus d'albums, on a tout ce qui gravite autour et qui permet d'enrichir l'univers interne créé par Jamie Hewlett, notamment autour des personnages composant le groupe virtuel. Et à cette époque, ce n'était pas une situation des plus gaies.


Depuis la prétendue mort de la guitariste et compositrice Noodle (dépeinte dans le fameux clip de "El Mañana"), principale force créatrice à l'oeuvre derrière "Demon Days", les Gorillaz ont encore éclaté et cette fois, on ne sait carrément plus du tout ce que deviennent Stuart "2D" Pot (chanteur et claviériste) et Russell Hobbs (batteur), qui se sont comme évanouis dans la nature, quasiment personne ne sait que Noodle s'est en fait retrouvée par erreur en Enfer (et parviendra à en sortir) et Murdoc Niccals (bassiste et membre fondateur) est complètement fauché, est pourchassé par des pirates de l'air (nommés les "Black Clouds") qu'il avait arnaqués avec des armes pourries, et essaie en vain de trouver une solution à cela après avoir constaté que le trafic d'armes ne l'aiderait pas. Solution étant la reformation et un nouvel album de Gorillaz.


Il crée donc avec un peu d'ADN de Noodle une copie robotique nommée "Cyborg Noodle" (qui est, je l'avoue sans honte, mon personnage préféré du microcosme Gorillaz, sérieusement, je l'adore !) étant là pour lui servir de guitariste et de garde du corps, décide de se passer de Russell et de le remplacer par des boîtes à rythmes (ce qui rendra le batteur extrêmement vénère en apprenant la nouvelle) et fait kidnapper 2D, qui était au Liban pour on ne sait quelle raison. Tout ce petit monde s'installe donc sur Plastic Beach, une île à l'apparence paradisiaque mais entièrement faite de déchets, de pourriture et de plastique sur laquelle Murdoc a mis en place ses quartiers et son studio d'enregistrement, et ce malgré la menace des Black Clouds mais aussi d'étranges esprits nommés le "Boogieman" (ou "Sun Moon Stars") et l'"Evangelist" (elle fait partie des persos un peu en retrait et pas forcément connus dans l'univers de Gorillaz et son design a été décidé après un concours de dessin lancé auprès des fans du groupe), qui semblent extrêmement bien connaître Murdoc...


Et là, je vous entends me dire "Hé, coco, c'est bien joli, ton histoire, mais ça a quoi à voir avec ton point précédent ?". Déjà, je vous répondrai que c'est malpoli de m'interrompre (et de me tutoyer alors qu'on a pas élevé les Fatboy Slim ensemble) et ensuite, j'y viens. De ce que je vous ai raconté, on a donc un bassiste démiurge encore plus mégalo et violent que les années précédentes, une androïde guitariste pas beaucoup mieux sur le plan du caractère, un chanteur terrorisé, presque esclave de Murdoc et "spectateur" de ce qui se déroule devant lui, deux autres membres du groupe qui sont bien décidés à faire sa fête à ce malotru verdâtre qui les a congédiés comme de vulgaires gueux, des pirates de l'air super-énervés, des esprits (enfin... je devrais surtout dire "un esprit", vu que l'Evangelist s'est bien plus développée sur la partie liée à Internet de l'univers de Gorillaz et aussi dans les créations de fans, et que c'est le Boogieman qu'on voit dans les clips) hyper-mystérieux et aux intentions pas bien définies... comparé aux précédents albums, c'est vraiment pas la joie.


Et c'est là que je dis que la diversité a été remplacée par plus de cohérence. Bien évidemment, les mélodies sont toujours bonnes, allant du cool ("Superfast Jellyfish", "Welcome to the World of Plastic Beach") au sublime ("White Flag", "Some Kind of Nature", "Cloud of Unknowing" ou encore la chanson éponyme) en passant par l'expression musicale du chaos ("Glitter Freeze"). Mais surtout, elles sont traversées par une certaine mélancolie sous-jacente. La joie ne dure jamais très longtemps ou, en tout cas, elle n'est jamais entièrement présente et les musiques sont souvent très douces-amères. Surtout qu'en plus de tout ce que je vous ai dit plus haut, l'album est très porté sur l'écologie et les angoisses de Damon Albarn à ce sujet. Donc, rajoutez ça et ça fait un album bien moins joyeux et optimiste que "Gorillaz" et "Demon Days" (et ce, même si ce dernier était déjà un peu plus sombre). Et cette sensation ne s'en va jamais vraiment durant tout l'album, en plus de la sensation que son concept (car oui, "Plastic Beach" est un album-concept) se tient et que l'île donnant son nom à l'album est vraisemblable, que tout ce background n'a jamais paru aussi réaliste. Je sais pas pour vous, mais moi, les personnages de Hewlett ne m'avaient jamais paru aussi réels que sur cet album.


Et c'est pour toutes ces raisons, pour son concept d'une grande cohérence et extrêmement bien pensé, pour ses superbes mélodies, ses invités tous très bons (en plus de tous ceux que j'ai cités plus haut, n'oublions pas Bobby Womack, juste fabuleux, y'a pas d'autre mot), son background superbement tissé et un duo Albarn-Hewlett au top de sa forme, que je considère "Plastic Beach" comme le meilleur album de Gorillaz. Un vrai bijou musical que je vous enjoins à écouter si ce n'est pas déjà fait.


Jusqu'au retour du groupe en 2017, on aurait pu penser (à cause de tensions entre les deux Anglais) que "Plastic Beach" (et dans une certaine mesure, "The Fall") aurait pu être l'ultime livraison de ce grand groupe. Fort heureusement, ça ne l'a pas été (et ils ont continué de faire des bons trucs) mais une part de moi ne peut s'empêcher de penser que comme baroud d'honneur, ça aurait été le plus magnifique baroud d'honneur du groupe. Parce qu'un album comme ça, on ne peut pas le dépasser. Et je pense que Damon et Jamie, quelque part, s'en sont rendus compte aussi.


Et je me suis rendu compte que je viens d'écrire un long truc. Moi qui pensais faire un truc rapide, il s'avère donc que malgré tout ce temps passé, j'avais des choses à dire... ^^

AntoineFontaine
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le 27 sept. 2019

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