Commencer un album par un morceau de 8 minutes, qui est en fait un collage de plein d’extraits complètement différents, sans aucun cohérence. Voilà le dernier tour de force des canadiens d’Eric’s Trip, qui auront cherché à tout prix à ne pas vouloir choyer l’auditeur qui serait parvenu jusqu’à eux. Et c’est bien dommage, car passé cette première étape, ce Purple Blue est peut-être leur disque le plus accessible, le plus homogène en tous cas. Comme si le groupe n’avait pas assumé complètement d’avoir enfin voulu enregistré dans des conditions dignes en refermant la porte dès le premier morceau.
Purple Blue est un disque au plus près de l’os, le groupe a coupé tout le gras de ces précédents albums, qui leur donnaient un charme indéniable. Ce qu’on remarque aussi, c’est que le son se fait plus lourd, plus massif, presque trop monolithique à mon goût. Et encore une fois, chaque morceau est un petit bijou de mélodie : Hourly et sa rythmique implacable, Eyes Shut où la voix de Julie Doiron fait des merveilles sur une mélodie rentre dedans, Sixteen Hours et son break à tomber. Et le disque se termine sur un Beach absolument monstrueux qui sonne comme un dernier tour de piste avant la disparition. Attention, le groupe reste quand même fidèle à ses principes et ne nous facilite pas toujours la tache. Universe se termine dans un chaos bruiteur, la guitare criarde de Not Yours pète les tympans, et bien sur cette invraisemblable introduction aura écrémé la masse d’auditeur qui arrivera jusqu’à la deuxième piste.
Ce Purple Blue est le dernier disque d’Eric’s Trip, juste au moment où le groupe faisait l’effort de se rendre un peu plus présentable aux yeux d’un public plus large. Doit-on y voir une intention de ne jamais renoncer totalement à ses principes ? Julie Doiron deviendra par la suite une icône du rock (très) indé pendant que ses compagnons choisiront de rester dans les marges, Rick White ne s’arrêtant jamais de composer de la musique, au sein d'un nombre certain d’obscurs groupes autant que sous son propre nom. Mais l’héritage d’Eric’s Trip perdurera auprès de certains fans de la première heure, comme avec Phil Elverum, qui revendiquera toujours le groupe comme une de ses influences majeures. Et demeurera comme une des plus belles discographie du rock indé, avec ses bijou que sont Love Tara, Forever Again et ce Purple Blue.