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En 2017, je reviens après un long stage à Manchester dans ma ville natale avec un projet fou ; je vais réaliser un grand podcast documentaire sur l'Amour, en essayant d'avoir un bon lot d'histoires, répondant à un questionnaire précis, en partant de mon entourage. Et qui d'autres pour mieux commencer ce projet que l'histoire de mes propres parents divorcés ? Je les interroge chacun leur tour, et alors que je m'attendais à de longues descriptions passionnées, d'anecdotes croustillantes sur la fougue de leur jeunesse et leurs petits secrets honteux, des mésaventures rencontrées sur le chemin tumultueux avant la véritable rencontre, de raisons alambiquées qui ont causé le cheminement vers leur Amour, ils me répondent tous les deux la même chose : « on s'est mis ensemble parce qu'on aimait tous les deux Johnny » et c'est à peu près tout ce que j'aurais. Très vite, je lâche l'affaire du podcast ; si c'est tout ce que j'arrive à tirer de mes propres parents, je ne vois pas comment j'aurais mieux ailleurs. Et puis l'Amour après tout, ça peut être aussi simple qu'une idole commune.

Mes parents étaient (et le sont encore) fans de Johnny mais pas assez fou pour finir dans un cynique reportage télé. J'ai baigné dans sa musique sans subir de concours de sosie à la maison. Ma mère vantait la chance qu'a eu mon frère d'être dans son ventre durant son concert au Parc de Princes. Et elle a eu la bonne idée de divorcer pour se mettre avec un type encore plus fan. J'ai donc consciemment et inconsciemment un tas de ses chansons en tête... et malheureusement pas les meilleures. Déjà car j'ai vécu mes jeunes années en plein durant sa pire période variétoche ; je ne peux plus sentir « On a tous Besoin d'Amour », « Marie », « Mon Plus Beau Noël », que le nouveau couple de ma mère reprenait faux en karaoké, certains soirs, dans le salon. Mais aussi car une bonne partie des tubes ont tellement été répétés et massacrés par le public et les fans hardcore qu'ils en sont devenus des parodies et des symboles même de la beauferie : « Allumer le Feu », « Que Je T'aime », « L'Envie », « Ma gueule »... A force de les rebouffer à toutes les sauces, de les subir, tu te dis forcément que tu n'aimes pas Johnny.

Puis profitant d'être un soir seul chez moi, je décide d'emprunter un des best-ofs qui traînent dans la collection du salon, pour essayer de retrouver je ne sais plus quel titre. Je zappe. Je tombe forcément sur les tubes qui me débectent, mais je tombe aussi sur de nombreuses balades, qui ressurgissent comme de belles madeleines de mon inconscient. Je me surprends alors à apprécier des « Elle M'oublie », « Le Chanteur Abandonné », « Je serai là », même des choses plus Rock comme « Oh Ma Jolie Sarah ». Et je ne m'arrête pas là. Je me souviens d'albums que mes parents écoutaient régulièrement tout au cours de mon enfance et de mon adolescence. Je les repasse aussi, au cas où j'aurais loupé quelque chose – autre que l'hilarante tentative rap sur « Le Temps qui Passe » – et après quelques morceaux potables sans grand disque derrière, je tombe sur ce que je pense être le dernier grand album de Johnny : « Sang pour Sang ».


C'est tout d'abord le dernier album de Johnny que mes parents, encore ensemble, écoutaient en boucle dans la voiture avant de se séparer ; le dernier avant la fin de mon enfance. Il a donc une couleur particulière, une lumière similaire à celle du clip « Un Jour Viendra » ; ensoleillée mais teinté de mélancolie. C'est ensuite un album composé pour Johnny par son fils, David ; des morceaux remplis de liens et d'Amour parental, qui me parlent alors même que le miens commenceront à se disloquer. David Hallyday avait d'ailleurs sorti quelques temps avant le très beau « Tu ne m'as pas laissé le temps », que j'appréciais déjà mais qui deviendra plus tard un de mes morceaux post-rupture fétiche. Enfin, c'est un album dont les singles continueront à sortir sur deux ans, la dernière fois que cela arrivera dans sa carrière. Et certains d'entre eux sont très très bons.

Passons sur le premier « Vivre pour le Meilleur », le genre de morceau poussif où les fans s'égosillent parce que son interprète gueule une énième fois « Que l'AmoOouUUUR » pour parler directement du dernier single sorti, à savoir « Quelques Cris ». Écrit par Françoise Sagan, déjà, ce n'est pas rien... Bon il est vrai que je ne connais rien de qu'elle a écrit d'autre mais ce texte est d'une puissance ! Et mis en musique par David qui se surpasse pour l'occasion ; mélodiquement, structurellement, arrrengementement... Par son parti-pris orchestral et épique, cela aurait du être un des grands titres de stade de Johnny, et il me semble malheureusement qu'il ne l'a interprété que durant cette seule tournée.

Ce génie influe dans le reste de l'album. Peut-on trouver plus beau morceau que le titre éponyme sur la relation tumultueuse, faite de non-dits, d'un père et d'un fils qui se (re)trouvent enfin ? Ça sent le vécu dans chaque ligne et David sait exactement quand envoyer les violons pour amplifier les émotions. On retrouve aussi Zizou, pardon, Zazie, qui signe une de ses plus belles compositions (pour ce que j'en connais) avec « Le Poids de Mes Maux », un Rock dans ce qu'il y a de plus simple mais aussi de plus sincère. On enchaîne avec « Notre Histoire » et on sent qu'il y a une magie, un ton particulier sur cet album, une cohérence que Johnny ne retrouvera plus, une atmosphère de rédemption, comme une dernière réelle renaissance, une confiance absolue dans la collaboration. « Les Larmes de Gloire » retourne dans le bon vieux Rock'N Roll et ça fonctionne encore. Comme sur « Remise de Peine » écrite par Miossec, où Jo-Jo peut nous re-chanter son éternel « Que Je t'aime » sans paraître ridicule, car l'interprétation est habitée ; tout est habité ! « Pardon » vient répondre musicalement à « Quelques cris ». Et classique thème du Rock, « Ex » vient conclure la lignée de tubes que je garde dans cette galette ; le manque, la rancœur, la peine, mise en musique par des artistes à l'apogée de leur carrière. Le dernier grand album d' « Amour » de Johnny, sans que le thème ne soit forcé.

Je ne garde pas tout, mais attention, ce n'est pas que les titres restants comme « Si tu m'aimais » soient mauvais, disons qu'ils sont moins immédiats. Je pense notamment à « Partie de Cartes » qui à force de réécoute, finit par dévoiler la beauté derrière son atmosphère céleste. Enfin, j'ai déjà écrit quelques mots sur « Un Jour Viendra », simple balade acoustique à la guitare mais dont chaque note résonne en moi comme la mélodie d'un paradis perdu, celui de l'enfance. C'est celui-ci que je retrouve à chaque fois que je lance « Sang pour Sang ». Je me revois alors à l'arrière de la voiture conduite par mes parents, assis à côté de mon frère, une musique pleine d'Amour en fond, m'emmenant vers je ne sais quel avenir, sans avoir à m'interroger, insouciant et candide que j'étais.

Strangeman57
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le 2 nov. 2025

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