Saison d'enfer dans un bateau ivre
Un vent aigre souffle sur le 10ème arrondissement de Paris ces temps ci. La nouvelle mouture des Babyshambles "Sequel To Prequel" fleure en effet bon le mélange des styles et des saveurs.
L'angelot de la déglingue, devenu véritable ambassadeur du punk britannique à Paris, nous livre un nouvel album tout en couleurs qui évolue en des sonorités reggae, country et parfois dignes d'un folk-pop de bon aloi.
D'aucun accuserons le manque de personnalité d'un tel patchwork stylistique au rendu incontestablement erratique. Mais notre figure rimbaldienne, incarnation de la pop insulaire, semble délaisser son tropisme désinvolte l'espace de quelques mesures.
Les quatre anglais usent en effet d'un autre charme: humeurs amoureuses, refrains charmeurs, hymnes à la disgrâce et rêves de romance hirsute. Rien dans la structure du morceau ni dans leur fond n'est à redire. On se délecte seulement de l'incorporation du substrat culturel d'outre-manche et d'outre-atlantique: Jam, les Smiths, les Kinks, les Sex Pistols, les Velvet et même Joy Division.
Comme partout, c'est l'étrangeté qui fait la beauté de cet album. Pete Doherty manifeste son romantisme vagabond d'une voix à mi-chemin entre l'aigrelet et le tendre, symbôle d'un équilibre précaire qui souvent se rompt dans une complaisance anarchique.
Des riffs puissants et mélodieux sont ponctués d'arpèges légères. Le tout est parfaitement rythmé tandis que choeurs, claviers et cordes s'égrainent harmonieusement au gré des minutes.
Avec un premier morceau en trompe l'oeil, "Sequel To Prequel" n'est pas un album passéiste mais un excellent canevas d'influences modernisées, tout aussi parlant à un marginal en état d'ébriété qu'à une ménagère et à ses ados rétifs.