Il est de ces jours où l'envie me prend de redécouvrir les heures de gloire du rock à l'odeur de "baked beans". Oui, les Anglais ont cette particularité anthropologique (et ce n'est pas la seule..) de trouver plaisir à déguster certaines préparations culinaires que même les systèmes carcéraux les plus inflexibles de ce monde n'ont pas osé proposer à leurs occupants.
Pardonnez ma digression, car c'est bien un album de rock que nous allons examiner. Et à ce titre, la concoction de "Shades of Deep Purple", avec des ingrédients de qualité, a de quoi aiguiser les papilles.
Sortie en 1968, Shades of Deep Purple est la première contribution du groupe. Sa composition (Mark I) comprend alors le jeune et déjà brillant guitariste de 23 ans originaire du comté de Somerset : Ritchie Blackmore ; un batteur alors prometteur : Ian Paice ; un bassiste efficace : Nick Simper ; et enfin un claviériste et joueur d'orgue au talent exacerbé : j'ai nommé Jon Lord.
La réception de cet album par le public reste mitigée et demeure pour le moins curieuse, car s'il se hisse dans les charts américains (le single et hit Hush se hissant à la 4ème place du Billboard), jamais il n'entrera dans les charts britaniques, ces derniers vraisemblablement insensibles aux nuances pourpres.
Il n'en est pas moins que Shades of Deep Purple est un album majeur du groupe. Rares sont les groupes à pouvoir se targuer d'avoir, et ce dès leur première sortie, livré un florilège de virtuosité. Deep Purple se cherche encore certes mais ce bref recueil de compositions laissant la part belle aux solos des claviers de Lord et à la guitare de Blackmore est de nature à laisser l'auditeur convaincu qu'il faudra compter sur ces protagonistes dans le futur.
Il est cependant difficile d'y voir (ou plutôt d'y entendre) un album de hard rock à proprement parler, tellement l'influence des Fab Four se fait sentir (c'est particulièrement apparent sur One More Rainy Day). L'ablum est inégal et certains morceaux (Help / Love Help Me) semblent un peu faibles et les compositions auxquelles contribue Blackmore sont les plus enthousiasmantes (And the Address / Mandrake Root / Hey Joe). Happiness / I'm So Glad est mélodiquement révélateur des capacités du groupe et enfin Hush est sans aucun doute le moment de l'album où la prestation vocale de Rod Evans viendrait presque (si ce n'est pas le cas) éclipser ses compères aux instruments.
Mature dans son approche, timoré et relativement conformiste dans son exécution malgré des parties instrumentales audacieuses, Shades of Deep Purple n'en demeure pas moins une mise en bouche agréable et un véritable classique du rock de la fin des années 60.