"De Mars on part en croisade"

La Fonky Family débarque en 1997 dans le paysage du rap français, alors à son apogée, avec un album qui fera l'effet d'une véritable bombe. En effet, les 4 MCs marseillais, seulement connus pour avoir posé sur le titre "Bad Boy de Marseille" d'IAM, vont s'imposer comme rappeurs incontournables de la scène phocéenne grâce à l'album "Si Dieu Veut", véritable classique du rap français. L'album sera certifié double disques d'or et dépassera même les frontières de l'hexagone avec un succès dans d'autres pays francophones et, dans une moindre mesure, en Amérique du sud.

Car ce qui plait chez la FF c'est leur fougue. La moyenne d'âge du groupe était de 22 ans à la sortie de l'album et l'envie de tout casser se ressent sur chaque piste. Le style est percutant, énervé avec un gros débit de paroles et un accent marseillais qui nous transporte dans le quartier du Panier ou de Belsunce (utilisation des mots: fada, gazier, kébouze etc.). Les textes marquent par leur description des quartiers populaires et le mode de vie des jeunes livrés à eux mêmes, au travers du mythique "Sans Rémission" ("Pourtant on défend nos proches avant nos poches") ou encore "Cherche pas à comprendre" ("Tout gosse t'es plein de rêves, d'illusions puis la merde à la maison t'ramène vite à la raison") avec la fameuse phrase "Il y a les lois, la rue et les lois de la rue" qui sera ensuite samplé par beaucoup de rappeurs. Mais si la FF ne se cache pas de traiter des thèmes de rue de façon explicite ("Fous le camp si t'attends de nous un compte de fée, la vie je ne vais pas étoffer alors qu'elle cherche à m'étouffer" - Tu nous connais), certains morceaux se veulent plus calmes et posés ("La Furie et la Foi"), comme une respiration après une extinction de voix à force de chanter avec ses tripes, ("Aux absent", avec la reprise de la phrase de Jacques Brel : "Voir un ami pleurer").

Mais ce qui fait le succès de l'album c'est le talent d'écriture complémentaire des membres du groupe. En effet, si Menzo est un peu faible, Sat, Le Rat et Don Choa font oublier les rimes pauvres du premier par leur verve et la richesse de leur vocabulaire sur des thèmes pourtant répétitifs. De l'usage des rimes croisées de Sat ("A 6 ans je me retrouve seul avec ma mère qui rame, C’est pas des vies cauchemars éveillés, drames, on survit, Pour elle j’ai suivi les cours du mieux qu’j’pouvais, Pillé les bourses d’études tant que l’éducation me voulait") en passant par les allitérations de Luciano ("Le Rat manie le MIC l'ami, comme Many manie le flingue dans les rues de Miami") ou encore l'harmonie sonore de Don Choa et son phrasé simple et juste qui fait mouche à chaque fois. Belle performance donc pour un jeune groupe qui débarque dans un monde du rap en plein ébullition .

Alors comment expliquer que des minots sans expérience lâchent un album aussi peaufiné à un âge ou les erreurs artistiques ne sont pas rares? C'est avant tout grâce à l'influence d'IAM qui ont apporté leurs conseils pour éviter à la FF les "erreurs" par lesquelles ils étaient déjà passées. Selon la légende Akhenaton aurait même mis sa maison en hypothèque pour que l'album voit le jour. De plus c'est Pone qui a produit les musiques dont Dj Djel a assuré les scratchs. Ce parrainage a porté ses fruits puisque "Si Dieu Veut" est considéré comme le meilleur album du groupe, avec un niveau dans l'écriture qu'ils n'atteindront plus jamais par la suite.