Je ne me souviens plus de la première fois où j'ai écouté Tanker. Certainement dans ma chambre d'étudiant un soir où je pensais que tout le monde dormait sauf moi. C'était une cassette empruntée au club de l'école prise par hasard pensant trouver un écho familier à la scène néo-zélandaise de l'époque. Mais là, rien à voir...
Dès les premières minutes, j'ai été englouti par une ambiance lourde, froide et presque mécanique, comme si la musique venait d'un hangar désert au bout du monde, avec des murs en tôle qui résonnent. Ce n'était pas une mélodie qu'on fredonne, mais un bloc de son qui me tombait dessus. Et étrangement, ça m'a rassuré.
A l'époque, je cherchais ce genre de refuge : des disques qui n'essaient pas d'être jolis, qui ne font aucun effort pour plaire, mais qui existent juste, massifs et sincères. Tanker avait ce pouvoir-là. Il ne me disait pas ; "Tout ira bien", il me disait plutôt : "rien ne va, mais regarde comme ca peut sonner fort" et bizarrement, ça m'allait.
Je revois encore mes vieux écouteurs avec le fil emmêlé, le son saturé et cette sensation que le monde extérieur disparaissait dès que Bailterspace lançait ses guitares. Les morceaux n'avaient pas besoin de refrains accrocheurs, ils avançaient comme des vagues noires et moi je me laissais emporter.
Aujourd'hui quand je remets Tanker, je retrouve un peu de ce vertige. Le disque a vieilli, bien évidemment, mais son intensité reste intacte. C'est comme ouvrir une vieille boîte pleine de souvenirs, ca sent la poussière, ça pique les yeux mais ça te ramène à un moment précis de ta vie
En fait, Tanker n'est pas juste un album pour moi, c'est un souvenir en forme de mur de son d'une époque où j'avais besoin de bruit pour tenir debout. Et chaque fois que je l'écoute, c'est comme ci ce bruit venait encore me relever.
C'est un disque pour ceux qui savent que la beauté ne se trouve pas toujours dans l'harmonie mais parfois dans la dissonance.