The Astonishing
5.6
The Astonishing

Album de Dream Theater (2016)

Dans un futur proche, l'Amérique est sous la coupe d'un tyran sans merci auquel résistent tant bien que mal une poignée de rebelles éclairés. Donald Trump ? Non, The Astonishing !


Il faut d'abord souligner à quel point cet album s'annonçait bien pour moi ; j'ai tendance à penser que Dream Theater est un bon groupe quand il a des choses à dire. Je place l'apogée de leur carrière à Scenes From a Memory, leur seul concept album avant celui-là, et je trouve que les derniers albums sont globalement moins intéressants parce qu'on a l'impression que la composition est en pilote automatique, plaquant sur des chansons assez peu évocatrices des recettes déjà entendues, le résultat manque un peu d'âme. Avec ce concept album, on avait la possibilité de voir les musiciens s'impliquer un peu plus dans la composition et pourquoi pas donner un véritable souffle à l'album.


Ce souffle, on le trouve par moments, sans conteste. Et pourtant, je ressors à chaque fois mitigé de l'écoute de l'album. Mais alors qu'est-ce qui cloche ?


La composition
Scenes From a Memory et The Astonishing ont en commun d'être des concept albums, mais le processus de composition a été très différent de l'un à l'autre. Le premier était d'abord une chanson, Metropolis Part II, qui a émergé durant les sessions de composition de Falling Into Infinity mais qui à force de retravail s'est finalement révélée assez longue pour former un album entier.


Le second, lui, se base dès le départ sur l'idée de John Petrucci de faire un concept album à partir de l'histoire qu'il avait en tête. L'univers, les personnages, la trame narrative existaient préalablement à la musique. Ce n'est qu'ensuite que Petrucci et Rudess ont développé des thèmes pour finalement composer les chansons.


Dans ce processus, la première conséquence, c'est le syndrome The Wall : certaines chansons sont clairement là pour exprimer un élément narratif, sans vrai intérêt musical. Alors que dans Scenes From a Memory chaque seconde avait sa place, ici les éléments marquants musicalement sont dilués dans de longs passages qui manquent d'identité (un exemple parmi d'autres, l'intro de A Tempting Offer).


La deuxième conséquence, c'est que les chansons déclinent des thèmes pas toujours hyper déclinables (sur les thèmes, des vidéos expliquées par Petrucci et Rudess, et aussi un super document qui compile tout pour les plus nerds), selon des logiques dictées par l'histoire. Du coup, on revient sur le pilote automatique évoqué plus tôt : pour un thème donné dans un contexte donné, le même zigouigoui à la guitare ou le même son de clavier qu'on a déjà entendu plein de fois. À quelques reprises la contrainte amène de l'inventivité mais ici le plus souvent elle bride la créativité.


La troisième conséquence, c'est l'arrivée d'éléments nouveaux dans la musique de Dream Theater. C'est parfois plutôt réussi comme Lord Nafaryus qui mélange metal prog et tango, parfois pas terrible comme la fanfare au début de A Better Life ou le son électronique des NOMACS sur lequel il y avait moyen d'aller beaucoup, beaucoup plus loin.


Le concept
Au départ de cet album, il y a donc son concept. Vous pouvez le retrouver ici : https://en.wikipedia.org/wiki/2112_(album)#Concept_and_storyline


Plus sérieusement, ce n'est pas tant la quasi-repompe du concept de 2112 qui est gênante ici que sa propension à tomber dans les pires des clichés hollywoodiens. Un empire, une rébellion, un élu, un amour impossible, des trahisons, une happy end... Le seul élément original, c'est la place de la musique dans l'histoire (les NOMACS sont des machines à composer mais Gabriel redonne espoir aux gens en jouant de la guitare), et c'est piqué à Rush. C'est difficile de faire une histoire convaincante et des personnages forts dans un concept album mais là c'est assez gênant.


On peut aussi regretter le choix de faire interpréter tous les personnages par James LaBrie. Il s'en sort vraiment bien mais il y a une limite à la variété que peut avoir une voix. Les personnages auraient pu gagner en épaisseur et l'album en variété s'ils avaient été interprétés par des chanteurs différents à la manière d'un Ayreon.


Par contre, il faut apprécier le soin apporté à l'univers construit dans cet album, détaillé par de nombreux textes sur le site internet et étoffé par des visuels en concert, un jeu vidéo déjà paru et un livre à paraître.


Alors voilà, The Astonishing n'est pas si astonishing que ça, entre son concept bancal et sa composition inégale. Mais je tenais à attirer l'attention sur son gros point positif : le renouveau qu'il amène au groupe. En renouvelant ses modes de composition, en orchestrant certaines parties de l'album, le groupe développe en effet un son nouveau.


Alors certes, c'est plus ou moins réussi : une des conséquences du concept hollywoodien est un son beaucoup trop souvent caricatural, pompeux ou cheesy qui en agacera plus d'un. Mais la composition plus simple des chansons apporte parfois une vraie fraîcheur qui apporte un peu d'espoir pour le futur du groupe. Je citerai par exemple Moment of Betrayal, Heaven's Cove ou même Chosen qui malgré sa cheesiness absolue me donne toujours envie de chanter à tue-tête.


Allez c'est tout pour moi, on se retrouve dans 3 ans pour ma prochaine critique du prochain album de Dream Theater :D

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le 15 févr. 2017

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Nordkapp

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