The Astonishing
5.6
The Astonishing

Album de Dream Theater (2016)

On ne peut pas dire que le patronyme Dream Theater soit synonyme de légèreté. Avec des albums tournant sans mal autour des 79 minutes ricrac, même roulés en boule, les américains offrent habituellement un menu gargantuesque fait de riffs carnassiers, de double caisses carnivores, de pim, de pam, de poum et et de circonvolutions sanguinolentes : bref, le haut du pavé côté métal épique épique et colégram livré au kilo(mètre). Même en ayant déjà produit deux double doses dans leur abondante discographie (A Change of Season et le décevant Six Degrees of Inner Turbulence), voici les américains qui re-débarquent avec un treizième opus intitulé The Astonishing, soit « la stupéfaction » … sentiment qui ne sera pas forcément celui de l’auditeur vu le pédigrée des aminches.


Si plus de deux heures dix de concept musical étalées au fil de 34 titres ne vous font pas peur, si l’idée de suivre un ambitieux storytelling d’anticipation calé en spectre large entre George R.R. Martin, Jesus Christ Superstar et l’imagination d’un Arjen Lucassen (Ayreon), si d’aventure, la tentation d’un opéra rock-métal vous a déjà effleuré, alors ce mastodonte devra faire l’objet de toute votre attention.


Avec les orchestrations rutilantes de David Campbell (on pense évidemment au travail de Bob Ezrin sur The Wall) et le mixage signé Richard Chycki, les cinq virtuoses s’en donnent à cœur joie et placent, de fait, James LaBrie au centre des débats. En interprétant neuf personnages, chacun dans leur style, le vocaliste se fait caméléon, à la lisière de la schizophrénie. Le résultat est séduisant, mais pas totalement convaincant. La multiplicité ne peut en effet se réduire à un seul vocaliste, aussi doué soit-il tant le facteur d’interprétation joue ici son rôle pluriel. Entouré de soli extravagants et du grand cirque habituel (John Petrucci, John Myung, Jordan Rudess et Michael Mangini tous en forme), l’album ne cesse de tressauter et passe de la ballade au rugueux, du rock lyrique aux poussées de fièvre. Le résultat est carré, calé, calibré… trop, peut-être. Assez peu surprenant, sans doute.


Car à jouer ses gammes habituelles, Dream Theater ne se réinvente jamais vraiment (les influences de Rush et Pink Floyd sont là comme sur « Brother Can You Hear Me » ou « Heaven’s Cove »), malgré l’arrivée de quelques instruments inhabituels (violon notamment) et d’effets cinégéniques. Si le groupe déploie avec une gourmandise sans faille son savoir faire et défaire, il enquille aussi bien les réussites efficaces (« Our New World », « Moment of Betrayal »), les morceaux de bravoure (« A New Begining », « Dystopian Overture ») que les titres convenus (« The Answer », « When Your Time Has Come », « Act of Faythe », « Hymn of a Thousand Voice », « Begin Again », « Losing Faythe »). En équilibriste fortiche de ses forces comme de ses faiblesses, The Astonishing s’avère un album circonflexe, puissant, solide et mastoc, auquel il manque le piment qui faisait la sève brûlante et définitive de Scenes From A Memory (1999). La faute à des compositions globalement moins fascinantes, à une cohérence d’ensemble fissurée par un sentiment de trop plein qui demande à être vu, et entendu, sur scène. Le groupe prévoit d’ailleurs une transposition spectaculaire, pleine de bruit et de fureur avec un décorum au niveau. C’est bien là que The Astonishing devra être apprécié pour ce qu’il est. Ou pas.


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AmarokMag
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le 6 févr. 2016

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