Implicitement, le projet même de Boards Of Canada consiste en partie à saisir ces précieuses mélodies qui hantent le cerveau du musicien et à tenter de les restituer au sein de vignettes impeccablement troussées, délicatement émaillées. Pourtant, malgré leur envie de parler, les deux Ecossais sont loin de tout révéler de leurs vies ou méthodes de travail, et ferment toujours la porte de leur domicile et de leur studio : ils en possèdent d'ailleurs chacun un ? les deux derniers titres du nouvel album, si semblables et formant une suite logique, ont ainsi été réalisés séparément. Plus tard, ils avoueront que les influences majeures de leur nouvel album n'ont rien d'électronique mais sont plutôt ancrées au début des années 70 : les albums de Joni Mitchell, James Taylor ou Neil Young sont ainsi les étonnantes figures tutélaires de leurs morceaux les plus récents.
Pour autant, le son du groupe ne s'est pas entièrement métamorphosé, ne s'est pas mué en une suite de comptines jazzy, de vignettes folk ou d'excursions rock. Au contraire, dès les premières notes, les marques de fabrique du groupe s'imposent immédiatement, créant un très ambivalent sentiment de familiarité, comme si l'on regardait de vieux films en super-8, qui font d'abord croire qu'on est là en terrain plus que connu, que ce n'est pas la peine d'avancer davantage. L'erreur, bien sûr, serait de s'arrêter à ces impressions de déjà-vu. Car The Campfire Headphase va au-delà des autres albums de Boards Of Canada, au-delà de beaucoup d'autres albums sortis en 2005. Effectivement, Boards Of Canada a ajouté à ses habituels filtres et structures électroniques des guitares et des percussions, qui donnent à l'ensemble un air d'architecture ancrée dans une terre aux fondations stables mais en même temps étrangement mouvantes. Il y a ainsi beaucoup de fragilité dans cette musique, qui semble toujours en équilibre entre le sommeil et l'éveil, forme un cocon aquatique qui plonge son auditeur dans un univers de rêverie vaguement mélancolique, mais toujours réconfortante. The Campfire Headphase s'écoute ainsi comme si l'on regardait un croisement entre des films de Hou Hsiao-hsien et de Wes Anderson, faussement délétères et dont les atmosphères imprègnent durablement la rétine, les oreilles. Autant d'impressions et de sensations qui, imperceptiblement, modifient la manière dont on écoute la musique et affectent surtout la perception de la vie en train de se tisser, doucement, délicatement. (Inrocks)


Apparemment, le remix effectué l'an dernier par le duo d'electronica ambient Boards Of Canada pour le compte de cLOUDDEAD fer de lance de l'excellent label américain Anticon les a conduits à travailler avec une gamme d'éléments empruntés au psychédélisme 70's (dont guitares, flûtes et cithares), ce qu'il n'avait jamais vraiment expérimenté dans le passé. À l'écoute de ce troisième album toujours signé sur l'immense Warp, leur univers d'abstraction digitale et éthérée semble avoir été marqué par cette contribution. La deuxième plage, Chromakey Dreamcoat, utilise ainsi un accord de guitare jamais réellement mis en avant de cette manière dans les productions antérieures de Mike Sandison et Marcus Eoin, et c'est tant mieux. On glisse subtilement vers des compositions plus organiques, d'où un folk lointain semble s'approcher, doucement amenées par ces nappes veloutées et aériennes dont ils ont le secret. Et une fois encore, on plonge sans retenue dans ce disque à la beauté vénéneuse et persistante, aux compositions probablement moins sombres qu'auparavant. La biographie nous dit que Mike Sandison est devenu père d'une petite fille pendant l'enregistrement de The Campfire Headphase, c'est peut-être une des explications du tempérament plus positif de la musique de Boards Of Canada, qui malgré (ou grâce) à cela, reste toujours aussi indispensable.(Magic)
L'évolution du style B.O.C. depuis leurs débuts est assez particulière et fait penser elle-même à une composition, avec son introduction un peu rigide, suivie de passages mélodiques plus apaisés et tout en demi-teintes qui alternent avec des touches plus contrastantes et des éclats de couleur (généralement foncée). Il est difficile de parler de leurs disques autrement qu'en termes visuels, à moins qu'on ne se mette à communiquer en musique. Mike Sandison et Marcus Eoin semblent d'ailleurs encourager cette traduction graphique, puisqu'il mettent un soin incroyable à concevoir leurs pochettes de CD. En ce sens, l'édition collector de "Geogaddi", leur avant-dernier album (2002), était un vrai mini livre d'art. C'était aussi le disque où l'angoisse éclatait plus menaçante que jamais, à travers un traitement pourtant familier des ambiances : vieux synthés analogiques, sons qui soufflent, instruments mal accordés, samples usés extraits d'émissions télé américaines des années 70. C'était surtout le plus complexe, celui qui proposait à la fois un vrai-faux single (presqu'une chanson : "1969") et des détails cachés, comme des morceaux conçus à l'aide d'équations ou développés selon la série de Fibonacci (d'où sans doute l'ironie de l'un des titres : "Devil Is In The Details").

Le nouveau disque amorce un retour vers le soleil qui brillait sur "Music Has The Right To Children" (1998), Mike et Markus déclarent qu'ils voulaient faire quelque chose de beau et mélodieux, et jouer eux-mêmes d'un grand nombre d'instruments réels. Du coup, tous les spectres qui grouillaient dans l'arrière-plan de "Geogaddi" ont fondu dans la lumière, même les ombres sont colorées (impressionnisme sonore ?), et ne gardent qu'une pointe de mélancolie, à peine une pincée de sel. Avec ça, B.O.C. continuent de miner les conventions et notre confort auditif à coups de faux départs, doubles fins et divers leurres mélodiques, mais aussi de mécaniques élaborés, comme le rythme hypnotique sur "Chromakey Dreamcoat". Mine de rien, même si l'album paraît plus homogène, une nouvelle étape vient d'être franchie dans l'inouï : comme autrefois le passage au technicolor ou au son stéréo, "The Campfire Headphase" parvient en 2005 à déboucher nos perceptions. Il y a tant d'air dans ce qu'on entend, un espace si démesuré, que désormais on risque de trouver plat ou étroit tout ce qu'on écoutait avant, et ce n'est pas grâce à la technique SACD®. Chaque mélodie repose sur un foisonnement de petits bruits vivants, qui n'ont plus rien de factice. On ne peut qu'avancer un terme photographique : la "profondeur de champ" est devenue tout d'un coup infinie, les détails du fond comptent autant que les figures du premier plan, ces 15 pistes reconstruisent une version presque complète du monde, et ça tient sur une simple galette en plastique. Ce monde est bien sûr un peu régressif et plus beau que le nôtre, mais une fois entrés, on s'y retrouve comme au jardin d'Eden. N'hésitez pas, vous êtes attendus. (Popnews)


Depuis ses débuts à la fin des années 90, il suffit simplement d’énoncer le nom Boards Of Canada pour provoquer un mouvement de masse et voir un large pan de la communauté électronique frissonner. Depuis juin dernier qu’est annoncé l’arrivée de “The Campfire Headphase”, le nouvel album du duo écossais pilier du label Warp, c’est plus ou moins ce à quoi nous avons assisté. Le 17 octobre 2005 sonne donc comme l’ouverture d’un hypermarché le premier jour des soldes. La ruée, pas d’autre mot.                                                                                                                                                         

Et c’est justifié, car ce nouvel opus est un petit bijou, s’inscrit dans la lignée de “Music Has The Right To Children” en évoluant plus clairement dans des sphères pop (”Hey Saturday Sun”) avec une mise en avant des guitares (”Satellite Anthem Icarus”) venant appuyer ces nappes légères et mélodieuses qui planent au dessus de cette quinzaine de titres (”Peacock Tail”, “Oscar See Through Red Eye”). Boards Of Canada n’a donc pas changé, privilégie toujours ce son d’apparence vieillissante, né de synthétiseurs, de boites à rythme et de quatre pistes datant des années 80, de vieux instruments, laissant parfois l’impression d’entendre une cassette à la bande froissée (”Chromakey Dreamcoat”), retrouvée derrière un placard poussiéreux. Voilà pourquoi les deux écossais, génies d’une production à deux vitesses, n’ont jamais sonné aussi intemporels. Certains leur reprocheront pourtant d’avoir lissé leur musique, de se faire plus accessible, de caresser l’auditeur dans le sens du poil. u importe, “The Campfire Headphase” ne passe pas par quatre chemins pour aller droit aux tripes, et s’avère ainsi être une incroyable source d’émotion. La musique de Boards Of Canada est légère, presque aquatique (84 Pontiac Dream”), doucement évolutive (”Dayvan Cowboy”) et gagne en richesse au fur et à mesure que vous voudrez bien y tendre l’oreille. Un chef d’oeuvre qui vous donnerait presque envie d’aller écouter les baleines chanter au large des côtes de Grande Bretagne…(mowno)

bisca
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le 19 mars 2022

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