Troisième album sur Cinq, la moitié donc. Ce qui saute aux oreilles, c'est que Talk Talk continue à évoluer et ne stagne pas dans son registre habituellement pop. Un public désormais nombreux attend du groupe des refrains et mélodies d'une efficacité comparables aux It's My Life ou Such A Shame, mais notre bon Mark Hollis à d'autres projets: sa démarche créative est uniquement motivée par l'idée de créer l'album intemporel par excellence en se débarrassant des contraintes de la technologie, si rapidement dépassée... Malheureusement pour lui, la maison de disque s'intéresse à l'enregistrement au moment où Hollis s'amusait le plus, et n'ayant pas composé la moindre perle pop... C'est cette contrainte qui obligera Hollis et Friese-Greene à modifier certaines compos pour en faire les tubes que sont Give It Up, langoureux, Living In Another World, une sorte de Sush A Shame en plus sombre, et surtout à pondre le fameux Life's What You Make It, sorte d'évolution mature de Does Caroline Know, et qui aidera l'album à se vendre encore mieux que son prédécesseur. Ce qui me semble important, c'est l'évolution des sentiments entre la découverte du premier morceau, le milieu de l'album et une fois le disque terminé... Dès le départ, on jubile d'entendre le son de cette batterie quasi-acoustique qui ouvre le superbement magnifique Happiness Is Easy, ou "l'art de savoir enfin comment ouvrir un album après les Talk Talk et Dum Dum Girl, 4 et 2 ans avant". Une force tranquille, une voix entre tension et calme, des instruments clairs et palpables, des mélodies furtives se posant de manière presque aléatoire, et un refrain chanté par des enfants. QUOI??? PAR DES GOSSES??!! Mais oui mais attend!! jamais l'essai n'aura été plus concluant! Ça doit être une micro chorale de trois ou quatre bambins, chantant en chœur mais sans harmonies, et dont chaque fausse note nourrit cette fragilité ambiante. I Don't Believe In You est une balade sans grande envergure mais qui sait se montrer agréable, surtout qu'elle est situé en début d'album et qu'on aura par conséquent pas à se taper plus tard. Les choses sérieuses continuent avec le tubesque Life's What You Make It, sa rythmique répétitive et diablement efficace, et son refrain mémorable. On enchaîne encore sur du très bon avec quelque chose de nouveau chez le Talk, une balade basée sur une boucle percussive douce, se laissant tranquillement aller au gré des accords qui font de ce morceau un des sommets de beauté de l'album. Ce moment représentera le premier pas du groupe dans leur évolution encore naissante. Le morceau suivant est comme je l'ai dit une sorte de petit frère de Such A Shame, en plus déprimant et résonnant, son clip un peu barge contribuant à cette impression. Encore une fois, un excellent morceau. Give It Up n'est pas mon morceau préféré mais sait trouver de la puissance là où il faut en se rapprochant de Life's What You Make It, la hargne en moins. Dans cet album, il y avait quelques indices de ce qui se passera deux ans plus tard, le plus flagrand s'appelle Chameleon Day, moment de silences et de piano/voix montrant le goût de Hollis pour cette danse du plein et du vide. Ce type de morceau, incompris à l'époque, sera la base de la musique du groupe, mais nous en parlerons en temps voulu. L'album se termine sur le...choralifique (j'ai pas trouvé mieux) Time It's Time, morceau tragique mais pas que, car doté d'un moment de presque comédie en fin de morceau venant trancher avec la mélancolie puissante du morceau et ses choeurs sur le refrain. Tout se termine donc bien et on a qu'une hâte: remettre tout de suite en route Happiness Is Easy et ses sons nets et tranchants, étrangement loin du dernier morceau très résonnant. Certains auront vu en The Colour Of Spring un Talk Talk classique et lassant, les plus malins à l'époque auront senti le changement et la volonté d'un groupe d'explorer des sentiers en friche, loin de la pop, loin des clichés du genre. En conséquence du grand succès qu'aura cet album, EMI va faire une confiance aveugle en TT en lui attribuant un gros budget pour son prochain album................il s'en mordra les dents.
+les prémices d'une évolution inattendue.
+des tubes géniaux, un son moderne.
+un côté tragique encore une fois prédominant.
+Happiness Is Easy.
-une impression d'hétérogénéité un peu gênante pour l'image durable de l'album.
-pas une des pochettes les plus réussies.
YynnkK
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le 26 oct. 2014

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YynnkK

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