The Cult
7.2
The Cult

Album de The Cult (1994)

Encore un album de légende injustement méconnu.


Pourquoi ? Parce qu'en 1994 le hard rock est à l'agonie.


Il est débordé sur sa gauche par l'énorme vague grunge qui a fait mettre la clé sous la porte à la moitié des groupes de hard rock, métal, glam, rock FM des années 80 : Nirvana, Pearl Jam, Soundgarden, Alice in Chains, les coupables sont connus.
Leur musique, de qualité, dont le fun est totalement absent a fait de gros dégâts et plus personne n'ose acheter un album de Guns n' Roses, Bon Jovi et autres Def Leppard.


Sur sa droite le rock est dominé, par la nouvelle vague punk représentée par Green Day ou Offspring, mais aussi par l'indus de Nine Inch Nails et bientôt Marilyn Manson.
Ne parlons même pas de la Britpop de Blur, Suede et Oasis qui ratisse tout ce qui bouge encore.


Bref, vous l'avez compris, pour l'un des seuls vrais groupes de rock eighties directement inspiré des Doors et de Led Zeppelin, les chances de succès sont minces.


Ils se retrouvent dans la même situation qu'un groupe comme Mötley Crüe, obligé de se réinventer avec un son plus sale, des textes plus sombres et une musique plus heavy, tentative désespérée de suivre le train Nirvana.


Hélas, comme pour le Crüe qui sortira son meilleur album (éponyme lui aussi), The Cult ne réussira pas son pari.
La vindicte populaire et la mode sont cruelles, écouter The Cult ou Mötley Crüe en 1994 c'était devenu ringard.


Voilà pourquoi la majorité de la planète est passée à côté de ce monument du rock qu'est cet album. Difficile d'apprécier quelque chose que l'on n'a pas écouté.


Et tout le monde a eu bien tort puisque c'est non seulement le meilleur album du groupe, mais c'est également un retour aux sources et un hommage à toutes les influences qui ont nourri Ian Astbury et son compère Billy Duffy : The Doors et Led Zeppelin en tête.
Les hymnes à la "Fire Woman", très fédérateurs sur les radios américaines ont donc été mis au placard.
Attention, le groupe assume ici crânement ses influences sans pour autant les singer, contrairement à Kingdom Come que les anglais rebaptisaient "Kingdom Clone" tant leur admiration pour Led Zep était évidente.
C'est un véritable album de The Cult, mais avec un style qui évolue vers plus de maturité et qui délaisse les mélodies FM pour se ressourcer dans les seventies. Ca reste inimitable et ça ne copie pas sur les grands anciens, ça réinvente en permanence.


Je tiens à préciser que je ne suis pas un grand fan du groupe. "Love", "Electric" et "Sonic Temple" sont des classiques, mais il y a aussi quelques mauvais morceaux sur ces albums.
Pour ce qui est de ce qui viendra après, The Cult n'atteindra plus jamais l'état de grâce insensé de cette année 1994 qui leur aura fait composer ces morceaux venus d'une autre dimension.


Car rien n'est évident sur cet album. Tout se digère lentement, il faut le laisser infuser et l'écouter une bonne dizaine de fois avant de crier au génie.
10 morceaux parfaits. Pas un de plus, pas un de moins. Une alchimie organique : rien à jeter, du début à la fin.


On commence par "Gone". Et là, on a déjà perdu la moitié des fans du groupe.
Rien à voir avec les envolées new wave (car on l'oublie souvent mais The Cult, sur l'album "Dreamtime" n'est pas si éloigné que ça des Smiths, c'est sur "Love" qu'ils mueront en vrai groupe rock) de leurs débuts. Mais rien à voir non plus avec le rock calibré FM qui les a propulsé au firmament sur "Sonic Temple".


Sur ce premier morceau, ce qui frappe avant tout c'est l'intro quasiment parlée, le rythme lent et poisseux et la batterie de Scott Garrett (de The Mission) qui nous emporte façon Bonham, avant une explosion psychédélique de guitares ponctuée par un Astbury qui aboie plus qu'il ne chante.
Ce type est possédé se dit-on. Obsédé par la culture amérindienne, il chamanise tout ce qu'il touche. Un grand grand morceau de rock. Si vous êtes fans des Doors et de Led Zep vous avez le meilleur des deux groupes en une seule chanson.


"Coming Down (Drug Tongue)" est le second morceau.
Billy Duffy annonce la couleur d'entrée, ce sera très électrique. Le tempo est plus rapide et ce morceau aurait pu figurer sur "Achtung Baby" de U2 sans aucun problème. C'est clairement l'influence principale, du moins au niveau instrumental, car vocalement c'est toujours un Astbury en transe qui, cette fois-ci, à sorti les tambourins indiens pour un morceau véritablement épique.


"Real Grrrl" est le troisième morceau. La danse de la pluie continue, avec une guitare qui nous rappelle un peu certains morceaux de "Sonic Temple", donc très mélodique. La différence principale est que les deux nouveaux de la section rythmique sont de vrais tueurs, contrairement à Matt Sorum et aux autres qui n'ont jamais vraiment été à la hauteur des guitares de Duffy. C'est le morceau de l'album qui fait le lien avec tout ce qu'ils ont fait auparavant. C'est donc l'un des meilleurs.


Vient ensuite "Black Sun", où Astbury nous conte une histoire tragique inspirée d'abus sexuels dont il aurait été victime à l'âge de quinze ans. C'est leur album le plus autobiographique, le chanteur se livre sur tous les morceaux après avoir passé de longs mois en pleine introspection.
Comme pour les morceaux précédents, ça démarre lentement pour devenir complètement épileptique. Bob Rock n'est pas réputé pour produire des albums avec de la reverb ou du larsen, c'est parce qu'Astbury et Duffy sont en réalité aux commandes : ils savent où ils veulent aller. Excellent morceau.


On passe à "Naturally High" et sa guitare hendrixienne. Les percussions et la basse sont juste magnifiques, ça vaut carrément le coup d'écouter tout ça au casque tellement il y a de choses à entendre sur cette chanson. L'influence ici est clairement celle des Doors, matinée de Stones période "Exile on Main Street". Si vous ne connaissez pas ou si vous n'arrivez pas à faire le lien, je ne peux plus rien pour vous. "Naturally High" est la chanson parfaite pour prendre de la drogue en somme. Avec modération bien entendu.


"Joy". Mon morceau favori. Probablement la meilleure chanson jamais écrite par le groupe.
Encore un titre qui sent bon la défonce et qui en parle abondamment. Astbury se permet même quelques paroles en français "la beauté est dans la rue", et hurle "joie de vivre" sur toute la fin du morceau. Mais ce qui rend ce morceau hypnotique c'est le Wurlitzer en hommage aux Doors qui donne un cachet retro mais contrebalancé par les riffs assassins de Duffy en écho. Si vous devez n'écouter qu'un seul titre de l'album, c'est celui-ci. Si vous n'aimez pas, essayez Céline Dion, ça vous parlera peut-être davantage.


"Star" a une longue histoire puisque le morceau avait été composée 12 ans plus tôt et avait été remanié à de nombreuses reprises avant de finalement figurer sur "The Cult". Le morceau est donc un peu moins organique, et un peu plus classique. Mais c'est encore un hymne à la liberté, comme tout le reste de l'album, "Yeah, I believe in freedom, Freedom is a vision" scande Astbury. C'est l'un de ses chevaux de bataille depuis les débuts du groupe.


Parenthèse semi-acoustique avec "Sacred Life", un morceau en hommage aux disparus : Abbie Hoffman (un activiste des années 60-70), River Phoenix (l'acteur fauché en pleine ascension), Kurt Cobain (qu'on ne présente plus et qui meurt 6 mois avant la sortie de l'album), Andrew Wood (chanteur de Mother Love Bone, qui, mort d'une overdose, aurait pu avoir la carrière d'un Eddie Vedder). Une guitare électrique lancinante qui orne les interpellations d'Astbury sur la place du sacré dans une existence. A noter le joli piano qui clôt le titre, apaisé. C'est le premier véritable moment calme de l'album. Il n'y en aura que deux sur tout l'album ("Black Sun" n'en est pas un, malgré son intro assez lente).


"To Be Free" nous remet en selle avec un riff de guitare dantesque et toujours les tambourins, qui sont omniprésents, à croire qu'Astbury dort avec. C'est le titre le plus funky (sur les fins de couplet et le pont). Ca m'a fait même fait penser à certains morceaux de Stevie Salas, voire de Bootsy Collins, dans l'esprit en tout cas, car ça reste tout de même une chanson très rock avec un tempo assez rapide. Un classique instantané.


"Universal You" nous assomme d'entrée avec une méchante rythmique. Mais c'est pour mieux nous surprendre avec un couplet transdimensionnel en apesanteur, puis nous recueillir à nouveau sur le refrain. Avec "Joy" c'est la seconde claque monumentale de l'album. Chanson antireligieuse "Don't you know i've got a pagan heart ? I love the earth I ain't no preacher" et aussi la plus intéressante dans sa construction. Celle-ci vous pouvez la faire tourner 50 fois, vous découvrirez quelque chose de nouveau à chaque écoute : une guitare perdue à droite, un orgue à gauche, une caisse claire dans le fond, c'est extrêmement riche. A noter le son de guitare très propre sur les couplets, pour les besoins du morceau. Globalement le morceau est tout de même très heavy.


"Emperor's New Horse" aux premiers accents très grunge vient nous rappeler que nous sommes en 1994. Puis après un peu de distorsion, on repart sur un refrain tendu. Cette chanson, qui évoque la drogue, une fois n'est pas coutume, est une vraie pépite grunge. D'ailleurs; Billy Duffy lui même déclarera qu'il était certain que l'album ne passerait pas en radio à cause des paroles trop crues de quasiment chaque morceau. "Emperor's New Horse" aurait pu figurer sur n'importe quel album de Soundgarden, Pearl Jam ou Nirvana. Hélas, The Cult a une étiquette "hard rock 80" et il est trop tard pour la changer.


L'album se termine avec une longue mélopée crépusculaire, "Saints are down". Comme le titre l'indique ça n'est pas un morceau très dansant. "The saints are down, They're down, And they're not coming round, Yeah, they're not easily found, Buried, And they're buried in the ground".
Ca n'empêche pas Astbury de hurler tout son désespoir à la lune, n'attendez pas la power-ballad de fin habituelle genre "Painted on my heart" (sur la BO de "Gone in 60 seconds"). Ici ça va plutôt chercher du côté d'Alice in Chains et de leur bouleversant "Nutshell" (sorti la même année, le hasard fait bien les choses). C'est donc un morceau magnifique vu la référence.


C'est un album pour les vrais amoureux du rock 70es, ainsi que plus globalement pour les amateurs de riffs de guitare d'un autre monde et de percussions virtuoses.


Que cet album soit aussi méconnu est une injustice et il mérite d'être défendu.
Si vous avez aimé "The Cult" défendez-le également et faites-le partager autour de vous.


Bonne écoute !

Tequila
10
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le 14 juin 2015

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