Dès les premières secondes de The Haar, on sent qu’on ne va pas écouter un simple album, mais traverser un paysage émotionnel entier — brumeux, instable, beau à en pleurer. Le trio britannique livre ici un disque radical, profond, mouvant, qui ne cherche pas à séduire, mais à dire quelque chose de vrai, quitte à être inconfortable.
Ce qui frappe d’abord, c’est la palette stylistique que le groupe déploie avec une liberté impressionnante. Les morceaux passent sans prévenir de la caresse à la tempête, de dissonances noise à des passages presque ambiants, sans jamais perdre leur cohérence. Il y a dans cette écriture un sens du contraste rarement aussi bien maîtrisé. Un moment tu es suspendu dans une nappe de spleen, et l’instant d’après tu es foudroyé par un mur de guitares stridentes. C’est cette tension permanente, presque physique, qui rend l’écoute si addictive.
Le premier morceau, justement, est un bijou. Dépouillé, presque spectral, il installe une atmosphère fragile, hantée, qu’on pourrait croire sortie des limbes de A Moon Shaped Pool. C’est une entrée en matière très "Radioheadienne" dans le bon sens du terme : ce n’est pas un mimétisme, c’est une même capacité à capter le flottement, le manque, l’invisible.
Tout au long de l’album, Black Foxxes semblent repousser leurs propres limites. Ils expérimentent avec des textures, des silences, des ruptures. Et pourtant, ça reste viscéral, organique, humain. C’est un disque qui parle de douleur, de vide, d’identité, sans poser de grands mots. Tout passe par le son, la voix, les vibrations. Et ça touche, très profondément.
En sortant de l’écoute, on a l’impression d’avoir traversé une tempête intérieure. C’est un album exigeant, mais d’une beauté rare, de ceux qui s’imposent doucement mais avec évidence, et qu’on emporte avec soi longtemps.