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Il est difficile de s'attaquer aux Ventures, autant à écouter qu'à chroniquer, tant leur discographie est extensive et mine de rien, difficile d'accès. Car si les Ventures sont des monuments de l'histoire de la musique populaire moderne, leurs albums peuvent nous paraître aujourd'hui désuets, tièdes voire ringards, non parce que leur musique est à ce point datée, mais plutôt parce qu'ils ont été des précurseurs énormes et ont souvent été les premiers à expérimenter des nouvelles technologies de l'audio de manières qui peuvent sembler absurdes (cf leurs expérimentations avec la stéréo sur leurs premiers disques).


Il y a bien sûr de tout dans leur discographie massive, et si tous s'accordent à dire que leur apogée était dans les sixties avant que la British Invasion ne viennent balayer les guitares réverbérées des ondes, mais même là, la nombre important de disques rend hardue la tâche d'aborder le combo instrumental.

Mais heureusement, il y a des albums qui sortent du lot de leur nombre massif de sorties de l'époque (pas loin de trois albums par an, quand même !), et parmi eux, ce Ventures in Space fait figure de chef d'oeuvre.


Après un bon nombres de disques mélangeant compositions et reprises instrumentales des hits de l'époque, courant après les tendances (et le succès massif de leur premier titre Walk don't run), les Ventures décident, sans mauvais jeu de mots, de surfer sur la folie provoquée par la course de l'espace, la science fiction et un soupçon de la culture Monster Kid tournant autour d'Halloween, amenée par les nombreuses diffusions TV des classiques de la Universal. Mais surtout, le groupe décide d'expérimenter avec la technologie et le matériel. Pour la première fois, le groupe délaisse ses habituelles Fender pour les fameuses guitares Mosrite qui deviendront leur marque de fabrique (la Mosrite Ventures étant une des guitares les plus célèbres de l'époque), mais décident surtout d'affronter les nouvelles expérimentations électroniques de l'époque en décidant de créer un maximum d'effets et d'ambiance à la seule force de leurs guitares.

Et pour la première fois à une échelle aussi grande, on découvre de quoi sont capables des guitares bourrées d'effets, surtout quand elles sont maitrisées par des virtuoses comme Nokie Edwards. Pour la première fois, des guitares sonnent comme des Theremin (Fear), le fuzz appuie des orgues pour les distordre ( Moon Child), chorus et reverb se mêlent sur le premier titre Outer Limits, annonçant presque les tropes du rock gothique à venir 20 ans plus tard ; on fait sonner le tonnerre et les lasers à grands coups de pieds dans les tanks à reverb sur War of the Satellites, on emprute le fuzz et la distortion de Link Wray sur The Bat, les flangers viennent bastonner la stéréo sur Solar Race, et on se permet même des expérimentations bruitistes en reprenant le générique de la Quatrième Dimension (le titre Twilight Zone, bien sûr.).


Certes, en 1964, les Ventures ne sont pas les premiers à utiliser tous ces effets (cf des gens comme Link Wray, Davie Allan ou les Tornados), et ils ne sont même pas spécialement les plus intéressants à le faire ; en revanche, personne d'autre ne l'avait fait de manière aussi professionnelle, rôdée et variée ; et au vu de leur succès massif de l'époque (rappelons que notamment au Japon, les Ventures vendaient deux fois plus que les Beatles !). Et dans leur immense discographie, ces expérimentations ressortent beaucoup, et Ventures in Space toppe régulièrement les classements des meilleurs disques du groupe.


Mais au delà de son intrinsèque qualité musicale (sérieusement c'est super bien), Ventures In Space est un objet historique diablement intéressant, et l'écouter aujourd'hui en 2025 est presque une leçon d'histoire. Car entre sa variété de sons unique pour l'époque et sa distribution massive, Ventures In Space est presque l'ancêtre de beaucoup de genres plus modernes qui reposent sur des esthétiques sonores bien particulières. Difficile de ne pas penser à la shoegaze quand on écoute les nombreux effets et ambiances flottantes du disque, difficile de ne pas penser au rock gothique face aux gammes mineures jouées par des guitares dégoulinantes de chorus et de reverb, impossible de ne pas penser au futur rock psychédélique dans les entremêlements de fuzz et d'orgue hammond, sans mentionner bien sûr le garage et la deuxième grande vague de surf music des années 90 qui va énormément reprendre ce disque (l'influence d'In Space sur des groupes comme Man Or Astro-Man? saute aux yeux).


Pour le mélomane lambda, un best-of des Ventures est honnêtement assez pour comprendre l'ampleur du groupe ; mais si vous voulez creuser et vraiment capter l'ampleur de leur influence, Ventures in Space est idéal.

MonsieurHache
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le 11 mai 2025

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MonsieurHache

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