Tonight
5.1
Tonight

Album de David Bowie (1984)

Bal tragique sous les Tropiques...Trop de flemme et pas de flamme.

Après le feu d'artifice de Lets Dance et la tournée internationale des stades et des groupies avides de la star Bowie....David Jones balance un pétard mouillé, un disque très médiocre, creux et vain. Une gueule de bois mémorable après un festin qui ne le fut pas moins. Le nouveau public charmé par les hits de Lets Dance ne vit pas l'arnaque, mais les fans de longue date durent se pincer très fort les oreilles pour y croire...

"Houston on a un problème"... Le major Tom part en vrille pour se crasher à grands coups de cuivres et de marimbas, de solos et de synthés convenus, de batterie balourde. La tour de contrôle a perdu tout contact avec Bowie totalement largué dans le nadir sidéral de son odyssée discographique. Comment expliquer ce passage à vide manifeste ? Des mauvaises langues persifleront que l'arrêt de la drogue n'a pas été une franche réussite sur le plan artistique...sacrée descente quand même....Pacte faustien implacable pour le prix de son succès au sommet, Bowie semble désormais cramé en rase campagne, vidé de toute substance, paressant dans une très lucrative zone de confort. Un long séjour de 5 semaines dans un studio canadien où il traîne son ennui avec plus de reprises que de chansons originales (Loving The Alien et Blue Jean) avant de dégager au pied levé le jeune ingénieur du son Derek Bramble (à 24 ans, comment tu dis à Bowie de refaire une prise quand la voix est bonne ?) pour le remplacer par un Hugh Paghdam ("Qui suis-je pour dire à David Bowie que ses chansons – Blue Jean et Tonight – sont nulles ?") producteur de The Police et Phil Collins. Bowie ne joue aucun instrument sur l'album et laisse la main de son propre aveu : "Hugh et Derek ont crée le son à eux deux. C'est bien de ne pas être impliqué dans ce domaine"....De Profundis...Et pour enterrer le tout bien lourdingue très premier degré, une production assommante dénuée d'esprit de finesse. Il est très probable que l'absence de Tony Visconti, fâché depuis 1983 pour avoir été "oublié" pour Niles Rodgers sur l'album Let's Dance, explique en grande partie la débandade esthétique de Tonight.

Loving The Alien et Dont Look Down peuvent encore sauver la mise sur un malentendu mais on sent déjà un truc bizarre avec la coloration tropicale/reggae à l'image de la pochette....Que dire du reste en roue libre vers la sortie de route ? La preuve avec une reprise gentillette d'un standard des années 50, I Keep Forgeting de Chuck Jackson, plombé par un final tropical qui tombe comiquement à plat. Basé sur un riff classique (Eddie Cochran), Blue Jean reste trop lisse avec quelques marimbas de passage sur des guitares rock très convenues. Un long clip de Julian Temple jouant sur la dualité Docter Jekyll et Mister Hyde propulsa le titre dans les meilleures ventes quand même. Le dérapage se confirme sur Tonight avec la bonne amie Tina Turner. qui venait de reprendre 1984 sur Private Dancer, album d'un come back très réussi. On dirait le cousin pénible aux claviers pour le repas de famille du dimanche....Bref, un disque vraiment très dispensable avec un chanteur grandiloquent de baloche (la reprise God Only Knows souvent évoquée comme sa pire prestation enregistrée....) perdu dans des mauvais rock Eighties MTV ou des sonorités tropicales hasardeuses (Tumble and Twirl, parodie d'une publicité pour un jus de fruits exotique ?)...N'est pas Kid Créole qui veut....On en est là....

Autre ratage sur Neighborhood Threat, titre revenant de 1977, Bowie évoqua plus tard "un enregistrement désastreux" à côté de la plaque avec un groupe merveilleux "qui ne convenait pas à la chanson". Sur le bruyant Dancing With The Big Boys, qui tient plus du concours de klaxons que d'une véritable chanson, Iggy Pop accompagne David Bowie mais c'est vraiment à des années lumière de la poésie vénéneuse de Nightclubbing ou de What In The World, chansons hantées du château d'Hérouville. Cela permit quand même à l'Iguane, crédité sur plus de la moitié des titres, d'éponger ses dettes car le disque se vendit bien sur la lancée du tourbillon commercial de l'année précédente. Tonight est l'une des meilleures ventes de sa discographie : plus de 3,5 millions d'exemplaires, bien mieux que certains de ses classiques reconnus...Ca pique un peu.

Signe de désarroi esthétique, désormais suiveur de son époque, Bowie adopte un look criard et zébré quand on ne le voit pas quelquefois porter un smoking blanc de crooner de croisière pour accompagner Tina Turner sur scène. Certains paparrazzi le capturent même avec une moustache somme toute très major britannique de l'armée des Indes de sa gracieuse Majesté...Triste affaire donc que résuma alors le magazine Rock and Folk d'une phrase lapidaire à propos de Blue Jean : "monsieur Bowie s'en fout". Rolling Stone rajouta un clou sur le cercueil : "cet album est complètement superflu et David Bowie le sait". En réalité, le bouquet exotique de la pochette tient plus de la couronne mortuaire du grand Bowie. Bref, en passe de rejoindre le club des has been, le chanteur visiblement en panne sèche prit alors du bon temps dans sa vie privée en délaissant ostensiblement sa musique et ses fans sur le bord de la route...

"Tonight est ce que j’ai fait de pire dans toute ma carrière. Il n’y a plus la moindre inventivité, la moindre flamme. J’ai totalement déserté mes disques à partir de cette époque." dixit Bowie. CQFD...Entourloupe bien faisandée, cet opus bien piteux coûta à Bowie son aura d'outsider imprévisible, d'artiste précieux, de créateur original. Cette Quelquefois de petites merveilles (This Is Not America et Absolute Beginners....surtout pas la bande originale de Labyrinth....Argh.....) rappelèrent aux fans désemparés que Bowie avait encore le feu et la grâce.

Créée

le 2 janv. 2024

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