Grippe United

Il est finalement assez simple de se prémunir contre la grippe.
Une hygiène impeccable, bien se laver les mains, bien aérer son petit intérieur (aucun rapport avec une quelconque pratique sexuelle) et évidemment se résoudre au moins de contact possible avec ses semblables.
Quelques préventions somme toute assez aisées, mais foutrement efficace pour ne pas se retrouver avec ce 40° de fièvre alarmant qu'indique le truc planté profondément dans ton joufflu.
Une bonbonne de 5 litres de gel hydroalcoolique, un stock de paracétamol à faire pâlir le premier migraineux venu et une misanthropie salvatrice suffisent semble t-il pour faire reculer ce virus grippal tant redouté.
Mais malgré toutes ces préventions respectées à la lettre, malgré ton hypocondrie maladive qui te pousse à boire ton gel hydroalcoolique au petit dèj' avec deux tartines de Nifluril et t'obliges à apprendre la langage des signes pour éviter d'ouvrir la bouche pour dire merci à ta boulangère, malgré tout ça tu n'es pas à l'abri pauvre mortel.
En effet, les personnes qui vivent avec toi (si tu n'as pas la chance de vivre seul) ne semblent pas aussi précautionneuse que tu peux l'être. Une femme, certes charmante, mais qui n'hésite pas à faire la bise à ses collègues de bureau pour leur dire bonjour ou des enfants dégoûtants qui se servent de leurs mains pour faire leurs devoirs ou bouffer leur saloperie de goûter, et hop ! C'est le drame.
Le virus se radine en rigolant sur les joues maculées de ta moitié peu farouche ou sur les pognes crasseuses de tes marmots mal éduqués, et fait une entrée fracassante dans ton petit "chez-toi" que tu pensais imprenable.
Ton appart, ton pavillon, ton Gouffre de Helm prit d'assaut, anéanti par une saloperie de microbe.
Le vert était dans la pomme. C'est de l'intérieur que la forteresse a été prise d'assaut. La félonie de ta propre famille telle une manigance "Borgienne" a fait entrer l'ennemi dans la cour de ton château.
La grippe est dans la place.

Il en est un peu pareil avec ce Tout le bonheur du monde des Kids United. On se croit prémuni contre une quelconque attaque virale, bien au chaud dans ses pénates, on ne pense pas au pire.
En effet que peux t-il nous arriver ?
Que peut t-il arriver quand on évite soigneusement toutes émissions de variétoche télévisuelle ?
Dès que notre fossoyeur de la chanson Française, notre nécrophile à mèches blondes M.Pokora pointe son joli museau, il suffit de zapper et hop ! Fini ! Fastoche !
Dès que l'insipide Jenifer du haut de son fauteuil ridicule explique à une môme qui a dix fois plus de talent qu'elle comment il faut tenir son micro, on est en droit de balancer sa télécommande dans l'écran.
On peut également si on le souhaite balancer sa "boîte à cons" par la fenêtre en voyant apparaître Christophe Maé et son chapeau ridicule qui vient grincer de ses cordes vocales vinaigrées une chanson faussement roots et t'arracher, par la seule puissance de sa voix maudite, une dizaine de points d'audition.
Les moyens de défenses sont nombreux contre les innombrables virus musicaux qui trainent sur les différentes ondes médiatiques.
Un coup de masse sur ta télé, une cure de Townes Van Zandt ou bien se refaire en boucle le Arthur (Or the Decline and Fall of the British Empire) des Kinks et le tour est joué. Rien de plus facile me direz-vous.

Mais une fois de plus le danger vient de l'extérieur.
Ta pléthore de précautions aussi ingénieuses soient elles, n'ont eu aucunes prises sur le dangereux virus qui sévit depuis quelques temps sur le territoire national.
Un virus hautement contagieux désigné sous le simple mais pernicieux acronyme de: KU/2.

Rien ne laissait pourtant présager une attaque de cette ampleur sur ma pauvre personne.
C'est dans la voiture que le virus a fait sa soudaine apparition. C'est alors que je tentais d'expliquer à ma fille de quatre ans et demi et à sa grande soeur les nombreuses différences entre le Punk fondateur Américain et celui plus braillard de nos voisins Rosbeefs, en leur faisant écouter le Now I Wanna Sniff Some Glue des Ramones, que survint le drame.
Tandis que je démontrais à la pitchoune qu’intrinsèquement le Punk Ricain était moins politisé que celui de leur cousin Anglais et ce pour de nombreuses raisons, ma grande prit son sac et sortit un CD de la poche de devant en me disant innocemment: " Tiens P'pa met ça !"
Je pris la galette dans mes mains et fut immédiatement parcouru d'un frisson malsain.
Un disque où de beaux et joyeux enfants souriaient de toutes leurs dents sur une jaquette criarde et de mauvais goût ne pouvaient qu'être un piège.
Les premiers symptômes ne tardèrent pas à faire leurs effets.

Dèjà le nez me piquait et le fond de ma gorge grattait horriblement. Je m'apprêtais à balancer le CD par la fenêtre quand les supplications éplorées de mes gonzesses et mon grand coeur me firent changer d'avis. Piégé pour piégé, je comptais aller au bout du supplice et affronter le virus comme un homme.
J'enchaînais les reprises des cinq mômes agrippé à mon volant. Des poussées de fièvre violentes apparurent dès le premier morceau. C'est la reprise de Tout le Bonheur du Monde, morceau bête à pleurer de Sinsemilia, qui mit le virus en branle dans ma pauvre carcasse.
L'oiseau et l'enfant, Laissez nous chanter ou l'odieuse Qui a le droit du dramatique Patrick Bruel venait à chaque fois percer un peu plus mon tympan et faire grimper de façon alarmante ma température corporelle.
J'essayais de me raccrocher à quelques tubes - rances mais efficaces - pour ne pas perdre pied, mais rien n'y faisait. Tout semblait fade, les orchestrations - ou réorchestrations - était inexistantes et semblaient directement sorti des versions originales ultérieures.
Je fus pris de sueurs froides en me rendant compte que le virus était beaucoup plus fort que je ne l'imaginais. Rien n'arriverai à me sortir de ce cauchemar.
Plus que les reprises, mal choisies pour la plupart et franchement ratées, c'est l'interprétation de certains qui firent sauter les dernières défenses de mon corps fatigué.
En effet la jeune Erza, jolie petite blonde au visage angélique et au sourire enjôleur, avait décidé de me faire souffrir plus que de raison et d'ajouter à la fièvre et aux courbatures, une vilaine otite purulente. La jolie Erza est hélas de toutes les chansons; elle vient crier de sa voix nasillarde - cette voix qui ferait passer Christophe Maé pour Billie Holiday - les refrains soporifiques de ces chansonnettes périmées en rajoutant inconsciemment du mal au mal.
Les garçons se liguent également pour faire durer ton supplice. Le jeune Esteban est le préposé aux chansons "hispanisantes" - surement à cause de son prénom - et à la guitare sèche mal accordée.
Le jeune garçon est doté, comme sa jeune collègue, d'une voix de crécelle insupportable mais muni d'une arme supplémentaire (et pas des moindres) pour faire saigner tes oreilles: Un zozotement.
Un zozotement à faire pâlir de jalousie Sophie Favier et qui vient finir de t'achever en rajoutant 0,1°C à ton 39.9° pour parfaire ta grippe auditive et la faire grimper jusqu'au mythique 40°C.

Le disque se termina enfin. Je sortis de la voiture titubant, soutenu par mes deux filles, j'ouvris ma porte d'entrée et m’écroulai lourdement sur mon canapé en faux-skaï. Déjà ma température commençait à baisser, je me sentais mieux.
Je récupérais tranquillement mes forces en compagnie d'une adorable Leffe Ruby quand ma fille arriva gaiment en disant : "- Papa mets les Kids ! La 11 ! C'est "La Camisa Negra" et en plus c'est Esteban qui chante".
Je me levai difficilement pour m’emparer du CD, j'en profitais par la même occasion pour tenter de filer un coup de pompe dans le train à mes deux merveilleuses filles qui l'avaient bien mérité.
Je pris la galette infectée par le virus KU/2 et me dirigeai calment vers la poubelle quand mon aînée me supplia: "- Mais Papa !? C'est pour aider les enfants dans le monde, c'est l'UNICEF ! ! !"

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" - C'est la combien déjà La Camisa Negra ?"