Treats
6.8
Treats

Album de Sleigh Bells (2010)

Petit phénomène 2010 de la pop rock et éléctro indépendante, Sleigh Bells a explosé médiatiquement avec l'utilisation du titre Crown on the Ground au cinéma. Treats renvoie à une pop survoltée, frénétique qui tabasse méchamment et confère à l’écoute de cet album quelque chose de très éprouvant. Si l’on met de côté le premier album, plus proche d’un EP, intitulé sobrement Sleigh Bells dont certains morceaux sont repris ici, Treats est le premier album de ce duo enragé, dont la performance musicale de Derek Miller est une expérience auditive performante associée à la voix angélique d’Alexis Krauss. La rencontre de ces deux musiciens semble être complètement fortuite. Et elle l’est, Derek était serveur dans un restaurant, Alexis et sa mère, ses clientes. C’est la mère d’Alexis qui a recommandé sa fille auprès de Derek, à la recherche d’une voix pour un projet de groupe. Anecdote sympa à raconter en interview. Improbable rencontre entre une ancienne chanteuse de teen-pop et l’ex-guitariste de Poison the Well (groupe hardcore). Il y a un peu de tout dans cet album. Les différents sites qui répertorient cet album ne savent pas vraiment dans quel genre le ranger. Il est ainsi associé à de la dance punk, de la pop-rock, de l’électronique, du noise, du chiptune et j’en passe. Au fond, Treats s’imprègne de tous ces genres et propose une musique à la croisée de ces genres et au propos révolutionnaire bien déglingué. C’est une musique en délire sur laquelle il est impossible de rester figé, que l’on aime ou non.

Il y a dans cet album une envie furieuse et complètement sonique de balancer des révélations à cette jeune génération endoctrinée dans un monde vain et médiatique où la superficialité voile les sentiments et le charme de la nature humaine. L’album s’intitule Treats comme « cadeau ». Comme un cadeau offert à ses auditeurs, un cadeau qui devient une révélation, une invitation à se révolter contre la norme établie. Derrière cette voix d’ange, il y a une intensité folle et une volonté de hurler ce qui ne va pas dans cette société. Et ça commence avec ce premier titre Tell’em qui ne répond pas à la question mais interroge seulement sur les problèmes de la société d’aujourd’hui et pousse cette génération à agir. Le groupe sait à qui il parle, à un public composé essentiellement d’adolescent et de jeunes adultes, ce qui fait qu’il n’hésite pas à avoir un dialogue presque personnel. Le duo interroge et le public est censé s’interroger, le tout sur une rafale de beats, proche d’un déferlement de coups de feu. La voix d’Alexis contrebalance véritablement avec le mix de Drek et confère une violence et une sensualité paradoxale à l’écoute de ce premier titre. Le deuxième morceau enchaîne avec un fond très dur, évoquant une insouciance, une forme de liberté et une naïveté ressentie lorsque l’on est des « Kids ». Les deux membres turbulents continuent avec Riot Rythm, littéralement un appel à la révolution, à la poursuite du combat pour cette jeunesse qui veut se revendiquer dans la société. Une ligne de guitare stridente et grave à la fois illustre ce propos et nous laisse être séduit par un chœur de voix innocentes mais engagées. Tout le propos de cet album est condensé dans ce morceau d’un dynamisme brutal. Le texte d’Infinity guitars extrêmement court et répété à outrance sonne comme un hymne de déshumanisation, de critique sur la société et plus particulièrement sur la génération américaine actuelle. Les percussions battantes font trembler les écouteurs, et un riff électronique bien senti fait la transition entre ces répétitions de texte. Run the Heart montre les limites dans les propos du groupe, les limites d’un texte qui paraît extrêmement puéril, à l’image d’une gamine rebelle qui ne supporte plus l’autorité de ses parents. C’est léger mais l’instrumental rattrape la chose, bien heureusement car les onomatopées d’Alexis ont une certaine tendance à agacer. Les lyrics de Rachel sont toujours aussi légères et répétées mais le rythme sauve l’ensemble du titre, et pour ceux qui ne s’intéressent pas au texte, le morceau est une pure merveille de combinaison. La voix d’Alexis résonne comme celle d’une sirène qui « interdit à Rachel d’aller à la mer » et contrebalance avec le tonalités de Derek, très dubstep. L’association peut sembler étrange mais à l’écoute, ce titre hypnotique est un de mes coups de cœur de l’album. Rill Rill renoue avec un texte plus profond, et une tonalité plus détendue, voire désinvolte. La décharge d’adrénaline de l’album provient de son produit d’appel Crown on the ground. Un texte presque parfait. Une critique euphorique sur une génération matérialiste et profondément insensible aux interrogations actuelles. De fait, elle colle bien au synopsis de The Bling Ring (Sofia Coppola, 2013). Il y a une énergie furax qui se dégage aussi bien du chant que de ses rythmiques percutantes. Soigné par des riffs guitare métal qui reviennent souvent dans cet album, le titre fait exploser les haut-parleurs. Et retour avec Straight’s A, au texte d’une légèreté déconcertante, à croire que les deux musiciens ont été épuisés après l’écriture de Crown on the Ground. D’une durée de quatre-vingt-dix secondes, le morceau sonne comme un boom nucléaire de percussions et renoue avec le hardcore oublié de Derek. A/B Machines perpétue l’aspect tonitruant de cet album avec un sous-texte répétitif, bon à passer en club. Tel l’intitulé de l’album, Treats conclue de manière brillante cet album avec quelques percussions encore bien élancées et des riffs bien arrangés. L'albulm s'achève avec un conseil que le duo essaye de dire depuis le début de cet album : Révoltez-vous !

Avant les films Premium Rush et The Bling Ring, je n’aurais jamais lancé un œil sur ce groupe. Mais le titre Crown on the Ground était tellement furax que ça ne pouvait me laisser insensible. Si les albums suivants perdent en intensité et propos, il faut reconnaître que ce premier album est une déflagration sonore de morceaux tous plus furieux les uns que les autres. Il y a une phrase des Inrocks à leur propos que j’aime bien, le rédacteur trouve que Sleigh Bells se situe entre « l’acide et le sucre candy ». C’est exactement cela, de par une tonalité musicale explicitement frénétique et le rythme faussement innocent mais enjoué d’Alexis Krauss. L’appréciation de cet album, outre sa capacité à être entendu en club, provient aussi de son chant et de son texte, véritable pamphlet critique insouciant, presque naïf, sur la génération actuelle. En témoigne la couverture de son album, illustrant des pom-pom girls aux visages abimées par une sorte de filtre Instagram. Treats est la surprenante association du punk et de la dance. En fait, il faut voir dans cet album un angle plus dance que punk avec des textes très courts répétés à outrance tandis que certains titres renouent avec la complexité de lyrics profondes. Ce premier album de Sleigh Bells est tout simplement une putain de claque électronique dans le milieu en 2010, qu’il convient de garder en mémoire, même si les albums qui suivront n’arriveront malheureusement pas à proposer cette même intensité.
Softon
8
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le 18 janv. 2014

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Kévin List

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