Veuillez rendre l’âme (à qui elle appartient) par Craipo

Veuillez Rendre l'Ame (à qui elle Appartient) : Second jet et premier coup de maître pour un groupe qui n'en avait que faire. Dix comme vingt ans plus tard, malgré les coups du sort et en dépit d'une séparation à présent actée, la flamme des bordelais brûle de la même énergie brute que celle qui les animait à l'origine. Cet album à la fois d'une importance capitale et à part dans la discographie d'une formation atypique et parmi les plus remarquables que le Rock et la Chanson française aient connu en est le principal combustible.


Veuillez Rendre l'Ame... ou la source. Patiemment alimentée à l'irrévérence intelligente, à la poésie et à la rébellion, avec un grand "R", chevillée au corps des Ferre, Cash et Brassens. Celle qui sans se laisser détourner ni perdre son cours avait su se faufiler discrètement jusqu'au plus profond des fondements de la musique populaire moderne et qui aura subtilement mais durablement marqué les esprits. La musique de Noir Désir est à "leur" image: insoumise, indomptée, chargée de références, accessible mais dense et lourde de sens, peut être plus en cette année 1989 que jamais par la suite. Même si Un jour en France.


Pour beaucoup, Veuillez Rendre l'Ame... est la première véritable rencontre du grand public avec un homme, une voix et une certaine façon de faire sonner le Rock (en) français. Derrière ce pseudonyme d'un romantisme sombre désuet et un brin kitsch, une bande de jeunots irradiés par la fougue et la folie, une fièvre synonyme de liberté, incarnée par une belle gueule au timbre magique et à l'âme (déjà) malmenée, qui transpire la passion et capte toutes les attentions.
Propulsé sur le devant de la scène par Aux sombres héros de l'amer, titre enflammé, grave et mélancolique, premier immense hymne transgénérationnel d'une longue série, Veuillez Rendre l'Ame... est pourtant bien plus qu'une collection de titres plaqués derrière un unique tube et un leader charismatique. C'est un disque charnière, un peu éclipsé par sa descendance qui, dans la logique des choses, lui doit pourtant presque tout autant qu'elle lui permet rétrospectivement de venir s'inscrire au panthéon de la musique francophone. Un disque littéralement bâti à la force des bras et à la sueur des fronts, direct et néanmoins subtil, moins frontal et plus intemporel que ses successeurs les plus renommés (Tostaky, 666.777 Club), porteur d'une urgence et d'une tension frémissantes, à fleur de peau.
Un disque radical, sans concessions dans son exécution comme dans l'esprit qui l'habite, plus garage, folk, sale et bluesy que n'importe quelle autre sortie du quatuor sans réellement être ni les uns ni les autres. L'état de grâce du premier album brut, fougueux, traversé en sus de fulgurances d'obédience Post-Post Punk (concept n'est ce pas?) flamboyant ala Gun Club, débordant d'énergie et d'envie de faire entendre son propos.
Noir Désir rompt avec une mauvaise habitude hexagonale de mettre plus souvent que de raison de l'eau dans son vin (du "rock" dans le punk - généralement plus déjanté que méchant - de la pop dans le Rock et ainsi de suite) et de jouer gentil là où les voisins britanniques ou US, par exemple, au cours de la décennie fraichement écoulée, creusaient déjà toujours plus profond et devaient bien souvent leurs plus beaux faits d'arme à leurs aventuriers, adeptes de la ligne dure et autres ennemis du consensus mou.


Noir Désir est de ceux-ci. Noir Dez' crie et vit le rock, le vrai. Riche mais urgent, sans fioritures ni compromis. Le possédé, l'écorché, le dramatique. Direct mais poétique. Celui qui racontait une histoire sans même prononcer un mot mais dont la parole vient ici pourtant encore embellir le récit (Les écorchés, Apprend à dormir). Le Rock exutoire chauffé à blanc, en éclats de guitare inventifs, tortueux, insidieux et décomplexés qui refusent de nous quitter l'esprit un fois qu'ils y ont pénétré (Joey II, The wound), en cavalcades effrénées (What I need, A l'arrière des taxis), en renfoncements sombres et intimistes, en dégringolades émotionnelles (Sweet mary). Une musique profondément brute, humaine, qui raconte et peuple la vie, en petites anecdotes comme en brûlots enflammés. Une musique qui abolit les frontières et abat les murs. Une musique fulgurante mais de tous les instants, continuelle bande son de son époque.


Noir Désir, groupe éternel.


http://www.metalorgie.com/groupe/Noir-desir

Craipo
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le 1 mars 2012

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