Avoir l'envie ne suffit pas toujours, et il faut parfois du temps pour se lancer dans un projet que beaucoup imaginent perdu d'avance. Il aura ainsi fallu 36 ans à Alice Cooper pour donner une suite à son concept-album culte "Welcome To My Nightmare". La peur de ne pas parvenir à replonger dans les cauchemars de Steven, de salir ce 1er volet (les suites sont rarement bonnes...), et plus simplement d'autres projets ont donc fait que plus de 3 décennies séparent ces deux opus, l'idée ayant commencé à devenir sérieuse lors du trentième anniversaire du volume d'origine. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'attente en valait la peine, ce "Welcome 2 My Nightmare" débordant de références, d'humour noir et de surprises qui rendent l'écoute variée et agréable.
Tout démarre par cette familière mélodie au piano, avant de bifurquer étrangement, avec ce recours au vocoder sur les couplets d'une chanson lente et mélancolique. Alice expliquera maladroitement que le thème étant les cauchemars, Steven (le personnage central) rêve de chants trafiqués. Admettons, on pardonne et on retient son souffle pour la suite.
La suite se veut plus efficace, avec un "Caffeine" rapide oú Alice chante que s'il s'endort, il ne se réveillera sûrement pas, et qu'il doit par conséquent se shooter au café pour rester éveillé. Ses efforts resteront vain, et il sombrera dans un sommeil agité dès le titre suivant.
Un petit interlude rappelant la mélodie du 1er volet se glisse à ce niveau de l'album. "The Nightmare Returns" est à donner la chair de poule, dès l'apparition du piano maudit.
On enchaîne aussitôt avec une voix annonçant le départ et une guitare imitant le "tchou-tchouuu" d'un train (!) donne le ton de ce bien nommé "A Runaway Train", qui décrit donc les 1eres horreurs de cette nuit qui en comportera d'autres. La batterie simule à son tour la course folle du convoi tout au long du titre qui accélère finalement pour simuler le déraillement.
On enchaine avec "Last Man On Earth", oú Alice singe volontairement Tom Waits. Cette chanson au faux airs jazzy (avec violon et tuba, s'il vous plait !) est remplie d'humour et voit Alice se demander ce qu'il va faire maintenant qu'il est le seul survivant de l'humanité : être un roi ou un brigand ? Il est en tout cas heureux de ne plus avoir à côtoyer des gens qu'il n'a jamais aimé...
"The Congregation" voit la participation de Rob Zombie au chœurs et dans le rôle du guide. Cette chanson, également pleine de cynisme, est un poil plus faible, ou du moins, moins envoûtant niveau musical. Au niveau des paroles, c'est en revanche toujours du tout bon. Alice Cooper est un artiste qui ne s'est de toutes manières jamais pris au sérieux.
Après un clin d'œil à Tom Waits, c'est maintenant aux Rolling Stones que cette chanson fait référence. "I'll Bite Your Face Off" a été le 1er single de cet album, et demeure la seule chanson encore régulièrement jouée live (avec toutefois "Caffeine"). C'est pourtant, pour moi en tous les cas, l'une des chansons les plus faibles ici présentées. Mais n'aimant pas spécialement les Stones, ceci explique peut-être cela. Il ne se passe pas grand chose de notable durant ces minutes qu'on est content de voir achever.
Heureusement, on repart vite dans l'humour noir festif (si l'on peut dire) avec un "Disco Bloodbath Boogie Fever" d'anthologie. On imagine totalement la scène décrite dans les paroles, et on sourit de bon cœur. Comme le titre l'indique, un rythme disco nous accompagne ici, cependant réhaussé par un solo de John 5. Cette chanson, qui donne la pêche, n'a qu'un défaut : elle est trop courte ! Du coup, on a tendance à la réécouter encore et encore...
On fait un petit saut vers les Beach Boys avec "Ghouls Gone Wild" (à noter la présence aux chœurs de Mark Volman, membre des Turtles "So Happy Together"!). Ce titre est lui aussi excellent et comme son voisin du dessus, redonnerait le sourire à un mort.
La ballade de rigueur sur tout album d'Alice Cooper sera "Something To Remember Me By". C'est d'un classicisme total, se laisse écouter avec plaisir, mais fait surtout retomber la bonne humeur. Ca va qu'elle ne dure guère plus que 3min15..."When Hell Comes Home" se veut en revanche heavy. Les paroles sont d'une noirceur totale, et narre l'histoire d'un enfant qui se fait battre par son père alcoolique et voit également sa mère prendre des coups, jusqu'au jour où il décide de le tuer. Le rythme est lent, l'atmosphère éprouvante, et ce titre une belle réussite.
Une nouvelle surprise nous saute aux oreilles sur "What Baby Wants", qui voit la participation de Ke$ha pour un duo surprenant, mais relativement efficace. Elle campe le rôle du diable qui va faire son affaire d'Alice Cooper. Les échanges sont amusants, et malgré la relative pauvreté musicale du titre, on y retourne régulièrement, comme étant hypnotisé.
"I Gotta Get Out Of Here" sera le dernier monument de cet album, avec un Alice voulant se réveiller des ces terribles rêves, avant de réaliser, totalement paniqué, qu'en fait, il est mort. Sa réaction quant il le comprend est absolument irrésistible.
"The Underture" a des airs de générique de fin, et reprend des extraits musicaux de plusieurs titres emblématiques du premier épisode, entremêlé avec des extraits de son petit frère. Le résultat donne le frisson, et on se dit que des artistes de cette trempe ne courre malheureusement plus les rues. Cet album est en tout cas l'un de mes préférés d'Alice Cooper, et je le conseille à qui veut découvrir une partie de son univers, tout en ayant un disque varié et rempli d'humour jusqu'à la gueule.

Shubby
8
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le 1 déc. 2016

Critique lue 225 fois

Shubby

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