Classique maintenant, un résumé sépia de guerres et de rappels géopolitiques de la situation des archontes sur la carte de l’Europe sert d’apéritif. En olive sur le cure-dent, l’alliance de Dyo et de Guillaume de Lecce est évoquée, immédiatement réduite en cendres.
La douceur narrative du présent cocktail, c’est qu’enfin la narration assume, plus ou moins, de se concentrer autour du principal point de vue d’un seul des archontes : Erlin protège l’Angleterre après la chute de Cromwell au XVIIème siècle. Ce n’est malheureusement pas suffisant à lier tous les ingrédients. Les expériences d’Isaac Newton, une belle séquence à Stonehenge, l’ombre de l’éventreur sur Londres autour des maisons closes One-Eyed Jack et Hell Fire, un antagoniste marionnette inspiré de Faust et de son désir avide de vie éternelle, le Grand Incendie de Londres en vive toile de fond, une proposition légendaire autour du Hollandais Volant, une séquence aux Amériques des premiers colons et des indiens. La magie et la menace, le jeu des ivoires et les cartes à jouer. 1666, c’est le meilleur exemple de ce qu’est L’Histoire Secrète : une compilation désordonnée d’éléments historiques et légendaires mêlés les uns aux autres sans l’idée précise, ni même approximative, du dosage adéquat et des gestes délicats indispensables à l’équilibre subtil des saveurs.


Pour faire avancer le récit, Jean-Pierre Pécau accumule et imbrique profusion d’éléments disparates sur les chaines de l’histoire et des légendes occultes du monde. Les archontes racontent tel ou tel épisode, inopportun flashback de quelques cases dans la continuité comme un rajout soudain d’ingrédient, se retrouvent dans d’improbables rencontres et nouent d’improbables liens entre les grands et petits hommes de l’Histoire. Manipulations de protection, de menace, d’avidité, de cruauté, de soutien, chacun choisit sa voie. Le scénario de l’album mixe difficilement ses éléments narratifs, continuant de révéler ses faiblesses.


Heureusement, une seconde fois le dessin de Lep Pilipovic et les couleurs de Carole Beau relèvent la qualité de l’épisode. Des portraits expressifs et détaillés, trait fin, un montage de séquences dynamiques quand l’action le permet, un bel équilibre des ambiances, de chouettes effets de magie, de belles cases sur l’incendie de Londres et d’autres d’orgies. C’est agréable.


De ces introductions assumées qui révèlent la faiblesse des ambitions, qu’elles soient scénaristiques ou éditoriales, à l’accumulation désordonnée d’épisodes de l’Histoire, vient la confirmation que L’Histoire Secrète n’est jamais qu’une compilation d’anecdotes arrangées comme on peut pour que l’ensemble tienne. Un survol. 1666 est certainement le meilleur cocktail depuis le début de la série, niveau variété des séquences, accumulation d’éléments savoureux, mais l’album pâtit toujours du même souci de lien, d’enjeux et de tension. Du même souci de dosage et de manipulation nécessaire pour que le résultat coule comme une sucrerie, douce et sans accroche. Au lieu de quoi, après cinq tentatives, le cocktail est toujours fade.


    Matthieu Marsan-Bacheré
Matthieu_Marsan-Bach
5

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le 7 nov. 2015

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